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CHAPITRE XI. — MÉLISSOS DE SAMOS (f). 273

rien de tout cela, il ne serait plus un; car s’il devient autre, il faut que l’être ne soit pas uniforme, mais que l’être antérieur périsse et que ce qui n’est pas devienne. Si en dix mille ans l’univers avait changé d’un cheveu, dans le temps total il aurait péri.

12. Il ne peut d’ailleurs subir un changement d’ordre interne; car l’ordre (xéorjAOç) qui est d’abord ne périt pas, et celui qui n’est pas ne devient pas. Quand rien ne s’ajoute, ne se perd, ni ne devient autre, comment quelque changement d’ordre pourrait-il avoir lieu dans l’être? Si quelque chose devenait autre, alors seu- lement il y aurait changement d’ordre.

13. Il ne souffre pas; car, s’il souffrait, il ne serait pas universel ; une chose qui souffre ne peut être toujours et n’a pas une même force qu’une saine. S’il souffrait, il ne serait pas non plus uniforme; car il souffrirait du départ ou de l’accession de quelque chose et ne serait plus uniforme. Le sain ne peut d’ailleurs souffrir; car il faudrait pour cela que périsse le sain ou ce qui est, et que devienne ce qui n’est pas. Pour le chagrin, le raisonnement est le même que pour la souffrance.

14. D’autre part, rien n’est vide; car le vide n’est rien, et ce qui n’est rien ne peut être. Et l’être ne se meut pas, car il n’a pas de place pour aller nulle part, puisqu’il est plein ; s’il y avait du vide, il pourrait en effet aller dans le vide ; mais comme il n’y a pas de vide, il n’a aucune place où aller. Il ne peut être condensé ou dilaté; car le dilaté ne peut être aussi rempli que le dense, mais il se trouve déjà plus vide que le dense. Voici la distinction qu’on doit faire du plein et du non-plein. Si quelque chose peut entrer ou être admis, il n’y a pas plein; si rien ne peut entrer ou être admis, il y a plein. Il faut donc que l’être soit plein, s’il n’y a pas de vide; si donc il est plein, il est immobile

15. Si l’ètre se divise, il se meut; mais en mouvement, il ne peut plus être

16. Si l’être est, il faut qu’il soit un; étant un, il faut qu’il n’ait pas de corps; car s’il avait une dimension, il aurait des parties et ne serait plus un

17. Voilà la plus grande marque qu’il est seulement un. Mais il y en a d’autres; car s’il y avait pluralité d’êtres, il faudrait que chacun fût tel que je dis être l’un. Si en effet ce sont des êtres que la terre, l’air, le fer, l’or, le feu, si ceci est vivant, cela mort, ceci blanc, cela noir, si toutes les autres choses que les hommes

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