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CHAPITRE XI. — MÉLISSOS DE SAMOS (f). 271

l’un garda le renom d’un paradoxal disputeur, l’autre d’un penseur secondaire, exclusivement attaché au point de vue d’un monisme étroit. Mais quand ces appréciations furent portées sur eux, on ne jugeait plus exactement dans quel milieu intellectuel ils s’étaient trouvés ; les abstractions géométriques faisaient déjà depuis longtemps l’objet d’un enseignement courant très rigoureux; l’idéalisme avait reparu et s’était brillamment développé sous une forme toute nouvelle, celle qui était vraiment appropriée au génie de l’Hellade, mais que nous pouvons à peine nous assimiler.


FRAGMENTS DE MELISSOS

1. Si aucune chose n’est, qu’en pourrait-on dire comme si quelque chose était? Si quelque chose est, elle est ou devenue ou toujours étant. Mais si elle est devenue, c’est d’une chose étant ou n’étant pas. Or, il n’est possible que rien devienne ni d’une chose n’étant pas (rien, ni une autre n’étant rien, ni a fortiori ce qui est simplement) ni d’une chose étant; car dans ce dernier cas, la chose serait et ne deviendrait pas. Donc ce qui est n’est pas devenu; dès lors il est toujours. — Ce qui est ne peut pas davantage périr; car il n’est pas possible que ce qui est se transforme ni en ce qui n’est pas (ce dont les physiciens conviennent d’ailleurs) ni en ce qui est. Dans ce cas, en effet, il subsisterait et ne périrait pas. Ainsi ce qui est n’est pas devenu et ne périra pas; donc il a été et sera toujours.

2. Mais ce qui est devenu a un commencement, ce qui n’est pas devenu n’a pas de commencement ; or, ce qui est n’est pas devenu ; il n’aurait donc pas de commencement. D’autre part, ce qui périt a une fin, mais si quelque chose est impérissable, elle n’a point de fin; donc ce qui est, étant impérissable, n’a point de fin. Mais ce qui n’a ni fin ni commencement est infini. Donc l’être est infini.

3. Mais s’il est infini, il est un; car s’il y avait deux êtres, ils ne pourraient être infinis, mais se limiteraient réciproquement; or, l’être est infini; donc il n’y a pas de pluralité d’êtres, et l’être est un.

4. Mais s’il est un, il est aussi immuable; car l’un est toujours semblable à lui-même, et le semblable ne peut ni perdre, ni gagner, ni subir un changement d’ordre interne, ni ressentir de