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cela même qu’ils ont voulu déterminer positivement la notion de l’être. Le rôle des atomistes fut de reprendre ce concept, d’en affirmer l’intelligibilité et de le faire servir à l’explication des phénomènes de la nature. Leur succès fut nécessairement la ruine de l’éléatisme, dont les conséquences aboutissaient à la négation même des problèmes de la science. Tout au contraire, la façon dont les Éléates, de Parménide à Mélissos, traitent la question du non-être, indique qu’ils n’ont point à combattre une doctrine précise qui soutienne l’existence du vide absolu et qui en tire des conséquences sérieuses.

6. Ainsi, sans qu’il soit possible d’en donner une démonstration rigoureuse, nous sommes amenés à croire que Mélissos n’a eu connaissance ni d’Anaxagore, ni d’Empédocle, ni des atomistes, et nous pouvons maintenir intégralement l’appréciation que nous avons donnée, en commençant ce chapitre, de son rôle et de sa position.

Pas plus que Zenon, il ne s’est d’ailleurs occupé de physique et Théophraste n’avait pas eu davantage à s’occuper de lui à ce point de vue ( 1 ). Ainsi l’école éléatique, abandonnant le compromis essayé par son chef, s’était engagée dans des voies qui l’écartaient de la science et finalement elle arrivait à une impasse. Une nouvelle génération de physiciens va se lever, pour qui elle sera comme non avenue, tandis que son héritage dialectique passe entre les mains des sophistes qui en useront et en abuseront.

Cependant le rôle de cette école n’en a pas moins été considé- rable au point de vue scientifique ; la polémique de Zenon a abouti à une élucidation notable des notions mathématiques, les thèses de Mélissos à la constitution d’un système idéaliste, sans doute établi sur une base tout à fait insuffisante, mais dont les traits principaux sont bien ceux qui s’imposent à toute conception analogue. Ce qu’ils avaient semé fut mûri ej récolté par d’autres;

(1) Aétius (I, 3, 7, 24; II, 1, 4; IV, 9) le cite, généralement accolé à quelqu’autre, comme ayant reconnu comme dieu l’univers un, seul éternel et infini, nié la genèse et la destruction en affirmant l’immobilité, déclaré les sens trompeurs, regardé le monde comme un, Inengendré, éternel, impérissable, mais en même temps (avec Diogène) comme limité, tandis que l’univers est infini. — Cette dernière donnée, contredite par Théodoret (IV, 8), est plus que suspecte. — Épiphane (III, 12), après l’affirmation de l’unité, lui fait ajouter que rien n’est stable par nature, que tout est périssable en puissance. — Les autres doxographes sont muets.