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CHAPITRE XI. — MÉLISSOS DÉ SAMOS. 269

A part ce qui concerne l'immobilité et l'infinitude, toute cette argumentation semble empruntée à Zenon, sauf la substitution du terme « vide » au terme « non-être », substitution qui peut être du fait d'Aristote. Quant aux deux points qui paraissent appartenir en propre à Mélissos, il est certain que l'on y doit reconnaître la négation de la notion du vide, telle que l'ont professée les atomistes, mais il n'y a pas là une preuve suffisante que cette négation soit dirigée contre cette école.

Le traité De Melisso nous donne Anaxagore comme ayant déjà nié le vide et affirmé qu'il n'était point nécessaire pour l'existence du mouvement. Aristote (Phys., IV, 6) nous montre d'autre part le Clazoménien s'attachant, pour combattre l'existence du vide, à des expériences qui prouvent que le vide apparent est de l'air. Ce qu'il réfutait, c'était donc soit l'opinion commune, soit celle des pythagoriens ; rien ne peut nous forcer à croire que Mélissos ait visé d'autres opinions, et sa définition du plein et du non-plein (fr. 5 et 14) nous indiquerait plutôt le contraire.

Il ne faut pas se figurer que la notion du vide absolu se soit produite ex abrupto et sans une longue élaboration préalable. Aristote (l. c) parle comme admettant le vide, non seulement de Leucippe et de Démocrite, mais encore d'autres physiologues qu'il distingue des pythagoriens. Il est à croire que les premiers Ioniens, se conformant à l'opinion vulgaire, et n'ayant nullement élucidé la question, ne se sont point fait faute d'employer le terme de vide et même de l'appliquer à l'explication des mouvements locaux. Le sens restait vague et la thèse du monisme n'était nullement contredite par là. Le dualisme pythagorien (voir ch. V, 2) du plein et du vide une fois posé, la question commença à se préciser, quoique le vide fût encore en réalité conçu comme matériel. Les Éléates survinrent, établissant la thèse du monisme dans toute sa rigueur, mais en lui donnant un caractère abstrait et sans l'étendre à l'explication des phénomènes de la nature. On dut dès lors com- mencer à agiter la fameuse question :

Comment, tout étant plein, tout a pu se mouvoir.

Anaxagore et Mélissos la trouvent également posée et la traitent en deux sens opposés. Le premier reste sur le terrain de l'em- pirisme et n'y voit pas de difficulté; le second, qui l'envisage in abstracto, la déclare insoluble. En fait, les Éléates et lui sont arrivés à déterminer négativement le concept du vide absolu, par

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