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deux derniers arguments. Zenon aurait pu la combattre directement, ainsi qu’il a fait pour la conception du corps ou de la ligne comme somme de points ; il s’y prend d’une façon détournée, où l’on peut mesurer toutes les ressources de sa dialectique.

D’abord [1], c’est l’argument de la flèche. A chaque instant donné, elle occupe une position déterminée; mais occuper une position déterminée à un instant donné, c’est être en repos à ce moment ; donc la flèche n’est pas en mouvement, elle est en repos pour chaque instant donné.

Non pas, reprend encore l’adversaire, ce n’est pas là ce que j’entendais quand je faisais remarquer que le temps est une somme d’instants. Je dis que chaque instant correspond non pas à une position déterminée de la flèche, mais au passage de chaque position à la suivante.

Zenon tient en réserve son quatrième argument qui a été complètement méconnu jusqu’à présent. Il veut prouver que cette dernière objection est insoutenable, car il s’ensuivrait que tous les mouvements seraient égaux entre eux. Dans l’hypothèse faite, d’une position à la suivante, il y a toujours un instant; or, tous les instants sont naturellement égaux entre eux. Il est donc impossible de supposer par exemple la vitesse doublée.

Pour mener son raisonnement à bout, Zenon imagine trois files parallèles de points juxtaposés (suivant la thèse de son adversaire) ; il appelle o^xoi ces points, parce que, dans cette thèse même, les éléments ultimes de la matière possèdent nécessairement une certaine masse; ce terme a rendu l’argument incompréhensible, parce qu’on a cru que Zenon voulait parler de corps de dimensions finies; mais ce même terme a été technique pourdésigner les atomes dans les écoles qui se rattachent précisément aux pythagoriens (Héraclide du Pont, Xénocrate, etc.). Le sens que je lui donne, nécessaire pour donner quelque valeur à l’argumentation, est donc parfaitement justifié.

  1. Aristote, Phys., VI, 9. « Le troisième est que la flèche en mouvement est en repos; cela résulte de ce qu’il prend le temps comme somme d’instants. Si on n’accorde pas cette prémisse, il n’y a pas de conclusion. Le quatrième est sur les masses se mouvant dans le stade, en files égales, parallèles et en sens inverse, avec une égale vitesse, les unes partant de l’extrémité du stade, les autres du milieu. Il pense pouvoir conclure à l’égalité entre un temps double et sa moitié. Il y a paralogisme en ce qu’il postule que des grandeurs égales, animées d’une égale vitesse, passent dans le même temps le long d’une même grandeur, soit en mouvement, soit en repos. »