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CHAPITRE IX. — PARMÉNIDE D’ÉLÉE (F).

l’autre, que l’être est véritablement. |75| Mais comment ce qui est pourrait-il être plus tard ? Comment aurait-il pu devenir ? | S’il est devenu, il n’est pas, pas plus que s’il doit être un jour. | Ainsi disparaissent la genèse et la mort inexplicables. | Il n’est pas non plus divisé, car il est partout semblable ; | nulle part rien ne fait obstacle à sa continuité, soit plus, |80| soit moins ; tout est plein de l’être, | tout est donc continu, et ce qui est touche à ce qui est. | Mais il est immobile dans les bornes de liens inéluctables, | sans commencement, sans fin, puisque la genèse et la destruction | ont été, bannies au loin, chassées par la certitude de la vérité. |85| Il est le même, restant en même état et subsistant par lui-même ; | tel il reste invariablement ; la puissante nécessité | le retient et l’enserre dans les bornes de ses liens. | Il faut donc que ce qui est ne soit pas illimité ; | car rien ne lui manque et alors tout lui manquerait. | .....

90 | Ce qui n’est pas devant tes yeux, contemple-le pourtant comme sûrement présent à ton esprit. | Ce qui est ne peut être séparé de ce qui est ; | il ne se dispersera pas en tous lieux dans le monde, | il ne se réunira pas.....

| C’est une même chose, le penser et ce dont est la pensée ; |95| car, en dehors de l’être, en quoi il est énoncé, | tu ne trouveras pas le penser ; rien n’est ni ne sera | d’autre outre ce qui est ; la destinée l’a enchaîné | pour être universel et immobile ; son nom est Tout, | tout ce que les mortels croient être en vérité et qu’ils font |100| naître et périr, être et ne pas être, | changer de lieu, muer de couleur. | Mais, puisqu’il est parfait sous une limite extrême, | il ressemble à la masse d’une sphère arrondie de tous côtés, | également distante de son centre en tous points. Ni plus |105| ni moins ne peut être ici ou là ; | car il n’y a point de non-être qui empêche l’être d’arriver à l’égalité ; | il n’y a point non plus d’être qui lui donne | plus ou moins d’être ici ou là, puisqu’il est tout, sans exception. | Ainsi, égal de tous côtés, il est néanmoins dans des limites. |110| J’arrête ici le discours certain, ce qui se pense | selon la vérité ; apprends maintenant les opinions humaines ; | écoute le décevant arrangement de mes vers. |

Sur l’opinion. — On a constitué pour la connaissance deux formes sous deux noms ; | c’est une de trop, et c’est en cela que consiste l’erreur. |115| On a séparé et opposé les corps, posé les limites | qui les bornent réciproquement ; d’une part, le feu éthérien, la flamme | bienfaisante, subtile, | légère, partout identique