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CHAPITRE IX. — PARMÉNIDE D’ÉLÉE.

feu. Le soleil serait donc comme un de ces points brillants qu’on observe dans certaines conditions sur les surfaces polies éclairées, en particulier quand elles sont arrondies, ou plutôt, en s’attachant davantage au texte, il serait une image lumineuse de la terre réfléchie sur la voûte céleste.

Cette conception s’écarte à la fois de celles de Parménide et de Philolaos. Empédocle a pu subir l’influence de la théorie d’Anaxagore relative à la lune ; cette théorie entraînait en effet la conséquence que la terre, elle aussi, devait avoir une face réfléchissant la lumière. L’Agrigentin semble avoir combiné cette idée avec celles de Parménide. Il est à peine utile de faire remarquer que, de son temps, les premiers principes de l’optique étaient à peine soupçonnés, qu’en particulier les notions sur la réflexion de la lumière étaient encore très vagues.

Quant à Philolaos, la doxographie donne lieu à controverse[1]. Le texte d’Achille paraît le plus exact, mais il n’est pas suffisant. Le Crotoniate semble en tout cas s’être rapproché de Parménide ; il rétablit la couronne ignée supérieure (le feu périphérique ou de l’Olympos), limite comme l’Éléate l’atmosphère lumineuse (le troisième soleil des textes) ; mais il établit la communication entre ces deux feux par le soleil, sphère vitreuse qui filtre la lumière, c’est-à-dire qui agit comme lentille[2].

Il semble donc qu’il faille se représenter deux cônes de faible ouverture, opposés, ayant leur sommet au soleil et dont l’ensemble forme une colonne lumineuse (celle du mythe d’Er de Platon), suivant laquelle un flux de lumière et de chaleur s’écoule du feu de l’Olympos (voie lactée) vers la terre.

Cette conception soulève une difficulté relative au feu central

  1. Aétius, II, 20 : « Philolaos le pythagorien : Le soleil est vitreux ; il reçoit le reflet du feu dans le monde et laisse filtrer vers nous la lumière et la chaleur, en sorte qu’en un certain sens il y a deux soleils, l’igné dans le ciel et celui qui en provient, igné par un effet de miroir ; enfin, on peut parler d’un troisième, la lueur renvoyée vers nous par réflexion du miroir ; car c’est là ce que nous appelons soleil et c’est comme l’image d’une image. »
    Achille, p. 138 : Philolaos pense que recevant d’en haut, du feu éthérien, l’igné et le translucide, (le soleil) envoie la lumière vers nous par certains pores. Ainsi d’après lui le soleil serait triple : celui du feu éthérien, celui qui en est envoyé vers le corps vitreux qu’il appelle soleil, enfin celui que ce dernier envoie vers nous.
  2. On sait par les Nuées d’Aristophane qu’une pareille notion était dès lors relativement vulgaire. Bien entendu au reste que, pour nous, l’opinion de Philolaos n’est pas plus satisfaisante que celle d’Empédocle au point de vue de l’optique.