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POUR L’HISTOIRE DE LA SCIENCE HELLÈNE.

surtout reconnue dans le mouvement des planètes, ainsi que nous l’avons dit, ne pouvait se comprendre sans une liaison mécanique qu’on devait même être tenté de se représenter comme établie par une matière solide. Dans le langage dualistique de Parménide, il devait y avoir ambiguïté, nous l’avons vu, sur le caractère de cette liaison ; peut-être cette ambiguïté existait aussi dans sa pensée.

Il est certain que, si la physique de Parménide se présentait avec les seuls traits que nous avons marqués jusqu’à présent, surtout si nous la dégagions de quelques éléments conjecturaux que nous y avons introduits, l’Éléate nous apparaîtrait comme un disciple d’Anaximandre passablement fidèle à la tradition de son maître. Mais nous allons le voir mêler à cette tradition, en dehors du dualisme fondamental, deux autres éléments incontestablement pythagoriques ; d’autre part, ses relations, le milieu où il vivait, le langage qu’il tient, tout indique que les opinions qu’il expose appartiennent au pythagorisme exotérique. Il faut donc admettre ou bien que cette École n’avait pas, en réalité, de système physique et que Parménide s’est trouvé obligé par son plan de recourir à une doctrine ionienne, ou bien que cette doctrine formait encore de son temps le fonds essentiel de la physique des pythagoriens du dehors, et que c’est par eux qu’il l’a connue, en même temps que les découvertes scientifiques qui avaient transpiré hors du cercle des mathématiciens. Cette dernière supposition paraîtra sans doute la plus vraisemblable.


IV. — Les Éléments pythagoriques du système.


12. Les deux éléments nouveaux introduits par Parménide dans la tradition ionienne et sur le caractère pythagorique desquels il me reste à insister, sont, d’une part, les personnifications mythologiques de l’Ananké et de sa descendance, de l’autre, la théorie relative à la lumière de l’atmosphère.

Ce n’est pas seulement dans Aétius (11), mais aussi dans des vers (v. 128-132) qui nous restent de Parménide que nous voyons qu’il plaçait au centre du monde la divinité qui gouverne toutes choses, qui a conçu l’Amour, premier de tous les dieux, et qui pousse l’un vers l’autre le mâle et la femelle[1].

  1. On peut se demander si Parménide désigne ainsi symboliquement la lumière et les ténèbres. Éd. Zeller l’admet : mais si l’Éléate avait réduit systé-