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admettant qu’il se soit posé le problème dans les termes de l’hypothèse d’Alcméon ou de Bérose, la détermination de la forme d’un corps d’après les aspects successifs de sa face éclairée ne dépassait peut-être pas le degré où ses spéculations géométriques pouvaient atteindre; mais ce n’est pas une raison suffisante pour croire qu’un homme qui a tant fait pour la science, mais qui en même temps s’est abandonné à tant de visées étrangères, se soit effectivement posé le problème et qu’il l’ait résolu.

Le plus probable semble donc que le dogme de la sphéricité des astres, dogme qui, à compter d’Aristote au moins, a été adopté par tous les mathématiciens, ne remonte pas en fait au delà de Philolaos; que si la croyance à l’existence pour la lune d’une face obscure et d’une face lumineuse et même la connaissance du fait que la face lumineuse se trouve toujours dirigée vers le soleil, sont bien antérieures à Anaxagore et peuvent être attribuées à Pythagore, ce dernier ne s’était nullement élevé à la véritable explication du phénomène. Ainsi les opinions que l’on prête à Alcméon sur ces deux questions, ne doivent nullement le faire écarter du cercle pythagorien.

8. Nous pouvons revenir maintenant aux sujets scientifiques qu’Alcméon a abordés le premier et comparer ses opinions avec celles de Parménide et aussi d’Empédocle.

Pour la théorie de la sensation, Théophraste (*) donne une courte notice très nette sur l’explication qu’essayait le médecin de Crotone à propos de la vue, de l’ouïe, de l’odorat et du goût, ainsi que sur la différence qu’il établissait entre l’homme et la brute. Mais, d’après cette notice, on ne comprendrait guère comment le disciple d’Aristote range Alcméon parmi ceux dont l’opinion est opposée à celle d’Empédocle et de Parménide (qui, d’après lui, attribuent la sensation au semblable), si l’on ne s’apercevait pas qu’il s’attache exclusivement à la distinction établie par Alcméon entre la sensation et l’intelligence. Théophraste conclut de là à une distinction entre le vouç et la tyuyr h l’une matérielle et composée des mêmes éléments que les corps sensibles, l’autre formé par un principe différent.

Que cette conclusion n’ait aucune valeur, c’est ce qu’il est aisé de reconnaître; en fait, la théorie des diverses sensations d’après Empédocle (Appendice, 7 à 11) dérive immédiatement de celle

( l ) Voir, à l’Appendice, la traduction du morceau Sur les sensations (25, 26).