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sein du pythagorisme ; Alcméon nous apparaît comme à l’un des premiers stades de cette évolution, sans qu’il y ait d’ailleurs lieu de lui attribuer une position réellement spéciale. Car, eu égard à son temps, le caractère qualitatif des oppositions qu’il considère n’a pas une importance majeure ; la qualité n’est pas encore nettement distinguée de la substance.

5. Le peu que l’on sait de la cosmologie d’Alcméon nous le montre professant une vérité qu’il y a tout lieu de faire remonter à Pythagore, mais en même temps des erreurs dont on pense, à tort ou à raison, que le Samien avait déjà fait justice. Quant aux opinions du Crotoniate sur l’âme et sur la divinité des astres, elles concordent suffisamment avec la tradition pythagorienne, sans avoir cependant un caractère bien marqué, car déjà Thalès aurait pu les professer.

La vérité astronomique qui apparaît pour la première fois chez Alcméon, consiste dans la distinction entre le mouvement propre des planètes d’occident en orient et leur mouvement diurne d’orient en occident. Cette distinction, essentielle pour le progrès de la science, était restée étrangère aux conceptions des premiers Ioniens ; elle fut rejetée par Anaxagore et par Démocrite ; elle reste donc propre à l’école pythagorienne, qui la transmit, par Eudoxe de Cnide, aux astronomes mathématiciens. Vu son caractère, on ne peut hésiter à en faire honneur au Maître plutôt qu’au médecin de Crotone.

Nous voyons au contraire Alcméon considérer, avec les Ioniens, le soleil comme plat, tandis que les doxographes attribuent aux pythagoriens l’opinion que les astres sont sphériques ; mus le voyons conserver pour les phases et éclipses de lune la grossière explication de Thalès et d’Héraclite, qu’on a bien peine à pouvoir regarder comme étant également celle de Pythagore. Mutin et surtout, il semble ignorer la sphéricité de la terre, puisque c’est à Parménide que l’on reconnaît l’immortel honneur d’avoir le premier publié cette vérité, qui, après avoir subi la contradiction pendant un siècle encore, devait être, à partir de Platon seulement, définitivement acquise à la science.

La tradition constante qui fait remonter cette découverte à Pythagore est cependant justifiée sans aucun doute. La sphéricité de la terre paraît en effet un dogme propre aux Italiques, tandis qu’il est combattu par les derniers Ioniens et par les atomistes ; on