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2. Pourtant, si l’on veut éclairer sur ce point l’histoire des origines du pythagorisme, il est essentiel de rechercher, chez tous les penseurs de la fin du VIe siècle ou du commencement du Ve, soit les traces de polémiques dirigées contre les doctrines de l’institut, soit les traces d’emprunts faits à ces doctrines. Car, je l’ai déjà dit, les premiers documents avérés, émanant de pythagoriens proprement dits, ne remontent pas au delà de Philolaos ; et qu’ils représentent la tradition immédiate de l’enseignement du sage de Samos, c’est une thèse commode, mais au moins improbable.

La recherche des polémiques nous a déjà conduits à un résultat important, que j’ai développé à propos de Xénophane. La recherche des emprunts doit évidemment être dirigée vers les écrivains que la tradition met en rapport avec Pythagore ou avec ses disciples immédiats ; si l’on écarte Hippasos, ces écrivains sont au nombre de trois, Alcméon de Crotone, Parménide et Empédocle. On pourrait vouloir ajouter Épicharme, mais il ne semble pas que ses fragments puissent rien fournir pour le problème qui nous occupe.

De ces trois auteurs, Empédocle ne peut guère non plus être utilisé dans l’objet ; il est déjà trop loin de Pythagore pour que de son temps la doctrine de l’École n’eût pas subi une élaboration susceptible de lui apporter de profondes modifications ; l’Agrigentin a d’ailleurs été soumis à d’autres influences ; enfin il a son originalité incontestable.

La position spéciale de Parménide, la distinction qu’il fait entre sa doctrine ontologique, qu’il affirme comme nécessaire, et l’exposé des opinions physiques qu’il présente comme appartenant au domaine incertain de la croyance, nous permettraient au contraire d’aboutir à des conclusions importantes, s’il était possible de démontrer que ces opinions physiques sont en réalité étrangères à Parménide et qu’elles représentent celles qui avaient cours de son temps, en Italie, chez les pythagoriens.

J’essaierai de discuter cette question dans le chapitre suivant ; pour le moment, il convient avant tout de remonter au témoin encore plus ancien que j’ai indiqué, à ce médecin de Crotone, qui est donné à la fois comme un disciple de Pythagore et comme le premier physiologue italique. Ce n’est pas que l’on puisse espérer en tirer, quant au pythagorisme même, des renseignements bien notables ; mais il s’agit surtout de savoir si nous n’avons pas à craindre, au sujet de Parménide, d’entrer dans une fausse route,