Page:Tannery - Pour l’histoire de la science Hellène.djvu/211

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

chemin direct sera, par exemple, la transformation immédiate de feu en terre ; le chemin détourné sera la même transformation opérée par l’intermédiaire de l’eau. Qu’Héraclite identifie ces deux chemins, cela, pour lui, va de soi. Mais il n’a pas pour cela, comme le dit saint Hippolyte, identifié le droit et le contourné.

Reste à expliquer l’origine des interpolations. Pour la première, γραφέων, la chose est très simple.

Très probablement saint Hippolyte n’a pas sous les yeux l’ouvrage d’Héraclite, il copie simplement un doxographe. Or celui-ci se laisse aller à mettre φησί (dit-il), comme ici après καὶ εὐθὺ δέ, quand pourtant ce n’est pas Héraclite, mais lui-même qui parle ; puis il se corrige en ajoutant un participe présent, comme, huit lignes plus haut, λέγων ὦδέ πως, pour indiquer qu’il va donner le texte exact. Cette fois, pour varier, il avait mis γράφων (écrivant), en employant peut-être la forme γραφέων, lue en tout cas par saint Hippolyte qui l’a prise pour le génitif pluriel de γραφεύς et a dès lors répété à tort le mot φησίν.

Quant à la parenthèse, elle comprend au moins deux interpolations distinctes qui ne sont nullement de la même main et correspondent à deux ordres d’idées différents. La première, ἡ τοῦ ὀργάνου τοῦ καλουμένου κοχλίου, doit avoir été introduite la dernière. Son auteur, constatant celle qui suit et ne la comprenant pas, ce qu’on ne peut guère lui reprocher, ne se sera pas fait scrupule de donner à son tour, comme explication du paradoxe d’Héraclite, l’exemple d’un mouvement à la fois rectiligne et curviligne ; il a indiqué celui d’une vis dans son écrou, sans se demander si les vis étaient connues avant Archimède.

Cette interpolation n’ayant aucun rapport avec ce qui suit, pour établir la concordance, on a imaginé la leçon moderne γραφείῳ. Car que peut-il y avoir de commun entre une vis et un pinceau (γραφεῖον) ? Certes le premier inventeur de γραφείῳ a dû avoir un moment de fierté légitime. Mais, s’il n’y a pas d’autres preuves que, dans l’antiquité, c’était particulièrement dans les « boutiques de foulons » qu’il fallait chercher des vis (de pression ?), l’histoire de la mécanique pratique ne peut certainement se contenter de celle-là.

La seconde interpolation, ἐν τῷ γραφείῳ περιστροφὴ εὐθεῖα καὶ σκολίη, est évidemment le commentaire du génitif γραφέων, et indique sans doute ce mouvement de viration qu’on fait subir au pinceau, en le promenant le long d’une ligne, pour maintenir la