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qui se trouve entaché d’une corruption assez singulière en ce qu’elle a entraîné des interpolations ridicules et que le sens du texte d’Héraclite se trouve par suite passablement défiguré.

Voici pour ce fragment (91 Mullach) le texte de saint Hippolyte d’après l’édition (Duncker et Schneidewin) de Gœttingue, 1859, page 446, où je rétablis toutefois les leçons du manuscrit indiquées dans les annotations.

Καὶ εὐθὺ δέ, φησὶ, καὶ στρεϐλὸν τὸ αὐτό ἐστι. « Γραφέων », φησίν, « ὁδὸς εὐθεῖα καὶ σκολίη » — ἡ τοῦ ὀργάνου τοῦ καλουμένου κοχλίου ἐν τῷ γραφείῳ περιστροφὴ εὐθεῖα καὶ σκολίη· ἄνω γὰρ ὁμοῦ καὶ κύκλῳ περιέχεται — « μία ἐστί » φησί, « καὶ ἡ αὐτή. » Καὶ τὸ ἄνω καὶ τὸ κάτω ἕν ἐστι καὶ τὸ αὐτό. « Ὁδὸς ἄνω κάτω μίη καὶ ὡντή. »

Pour γραφέων, Mullach et Éd. Zeller (II, p. 112, note 1) lisent γραφείῳ, correction bien inutile. Mullach ponctue après κοχλίου et substitue περιέλκεται à περιέχεται.

Duncker écrit γναφέων, plus loin γναφείῳ pour γραφείῳ, enfin περιέρχεται.

Au reste, Éd. Zeller ne reproduit pas la parenthèse et ne paraphrase le fragment qu’à partir de τὸ ἄνω, en se demandant si l’identité du haut et du bas a bien été posée par Héraclite.

À cet égard, on peut répondre négativement. Il suffit de parcourir les pages où saint Hippolyte fait des citations du philosophe d’Éphèse pour être édifié sur la question. L’apologiste chrétien relève les identifications qu’il trouve dans Héraclite, les énonce en son langage à lui, puis cite à l’appui de son dire le passage qu’il a en vue. Les éditeurs de Gœttingue ont donc bien distingué les mots appartenant à Héraclite, sauf pour γραφέων qui n’est pas de lui et ne fait que troubler le sens. L’Éphésien n’a point dit : « Le haut et le bas sont une même chose » ; il a dit : « Le chemin vers le haut ou vers le bas est un et le même », de même que plus haut il disait : « Le chemin direct ou détourné est un et le même. »

L’authenticité de la première des deux formules est garantie et par les formes ioniques du texte, qui n’ont point été conservées dans l’autre, et par la citation qu’en fait Hippocrate (Héracl., fr. 32, Mullach). Ce que signifie cette formule, on le voit assez ; c’est l’unité de la loi qui préside à la double transformation par laquelle la matière devient plus subtile et plus légère ou encore plus condensée et plus pesante.

Le sens de l’autre formule apparait de même immédiatement et son rapprochement de la précédente est absolument justifié. Le