Voilà à peu près tout, avec les fragments 25 et 63 que nous avons déjà rencontrés.
En somme, si l’on veut échapper autant que possible aux difficultés signalées et suivre les indications des textes, on est conduit à adopter l’opinion de Zeller d’après laquelle les âmes qui après la mort retournent à la vie plus pure des daimones, sont seulement celles-là qui l’ont mérité. Mais je ne puis admettre entièrement l’autre moitié de cette opinion, qui fait partager à Héraclite les croyances populaires sur l’Hadès.
De même que le soleil, toutes les âmes doivent sans doute descendre dans l’Hadès ; la route « de haut en bas » doit être achevée. Toutefois, au terme de cette route, le sort des âmes est différent ; les unes se dissipent ou se résolvent en eau (fr. 59) ; les plus pures seules peuvent maintenir leur individualité pour veiller comme daimones « sur les vivants et sur les morts ». Si l’on rapproche le fr. 9 : « le châtiment atteindra les artisans de mensonge et les faux témoins », Héraclite a peut-être été jusqu’à admettre des peines dans l’autre vie ; mais il ne pouvait évidemment les concevoir que comme passagères.
Ainsi Héraclite croit en fait à la préexistence et à la survivance des âmes, mais il ne peut admettre ni leur éternité, ni leur immortalité, qui l’auraient obligé à adopter la solution illusoire de Pythagore, la métempsycose. La substance de l’âme ne peut échapper au circulus universel ; elle naît du feu divin en se détachant du Logos commun ; elle se résout en eau et retombe ainsi au rang de la matière inerte. Ce n’est qu’une exception si elle prolonge plus ou moins longtemps après la mort sa vie individuelle.
Dans ces conclusions, un point reste toujours obscur ; c’est celui de la communion des âmes avec le Logos divin, de l’existence individuelle au sein de la substance unique. Mais on ne peut prétendre à tout expliquer dans Héraclite ; en tout cas nous sommes ramenés à la question réservée jusqu’à présent :
Le Logos est-il conscient et personnel ?
V. — La Conscience du Logos.
11. Il est inutile de remarquer que le concept de la personnalité n’était nullement élucidé à l’époque d’Héraclite ; on sait qu’en thèse générale la philosophie antique a négligé ce concept ;