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CHAPITRE VII

HÉRACLITE D’ÉPHÈSE


I. — Le Système cosmologique.


1. Dans les chapitres qui précèdent, j’ai déjà eu l’occasion d’indiquer qu’au point de vue scientifique, l’œuvre que laissa Héraclite fut loin de marquer un progrès. Si l’on en considère les tendances religieuses et morales, l’Éphésien est un précurseur dont l’influence ne saurait guère être trop rehaussée ; mais comme physicien, ou bien il se rattache aux premiers Ioniens, ou bien il adopte des conceptions qui sont encore plus naïves que les leurs.

Comme Anaximandre, comme Anaximène, il croit à l’unité de la substance sous la variété des apparences phénoménales ; comme eux, il croit que le monde est né et qu’il périra pour renaître ; bien plus, il ose fixer la durée de la période qui préside à cette évolution fatale[1]. Mais il rejette l’explication milésienne de la genèse et de la destruction comme conséquences mécaniques du tourbillon de la révolution diurne ; les apparences qui font croire à cette révolution, ne correspondent pour lui qu’à des mouvements particuliers, nullement à une rotation générale du ciel.

À cette cause mécanique, il substitue une loi de transformation physique, dont il ne cherche pas à rendre autrement compte qu’en la qualifiant de fatale ; cette loi est celle qui préside à l’échange

  1. Dix-huit mille ans (9) ; mais dix mille huit cents, d’après Censorinus, qui nous apprend d’ailleurs qu’Héraclite fixait à trente ans la γενεά humaine, c’est-à-dire la durée normale de la période après laquelle l’homme se reproduit. Or, 10800 = 30 X 360, c’est-à-dire que dans la grande année que dure le monde, les jours sont des générations humaines. Par une combinaison semblable, le stoïcien Diogène de Babylone avait multiplié par 365 la grande année d’Héraclite. Il ne semble pas qu’il faille chercher ici des emprunts aux périodes chaldéennes.