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par lui-même, il n’y avait qu’un pas à faire. Son rôle dans les éclipses de soleil s’en déduisait facilement, tandis que la question d’éclairement par le soleil pendant la nuit faisait naturellement mettre en jeu l’ombre de la terre et conduisait par là à la découverte de la cause des éclipses de lune.

L’hypothèse d’Anaximène présentait donc un véritable caractère scientifique ; elle constitue pour lui un titre de gloire d’autant plus précieux qu’elle paraît absolument originale, tandis que les autres opinions du physicien n’ont, en général, pas le même cachet.

5. Au reste, de tout son système cosmologique, une seule conception, celle de la voûte céleste comme solide, était destinée à un triomphe durable. On put chercher plus tard à concevoir moins grossièrement la substance qu’on supposait établir une liaison entre les étoiles fixes, mais le caractère de cette liaison ne fut pas modifié, et la solidité de la sphère resta en réalité le postulatum fondamental de toute l’astronomie jusqu’à Copernic.

Cependant il est singulier que dans le siècle qui suivit Anaximène, tous les physiciens de l’Ionie rejettent cette conception, tandis qu’elle semble au contraire adoptée en général par les Italiques, Parménide, Empédocle, les atomistes. On pourrait même rechercher dans le système de l’Éléate, comme une première et grossière ébauche de celui qui, pour expliquer les mouvements des planètes, les supposa attachées à des sphères creuses, concentriques et emboîtées les unes dans les autres, système que devait brillamment développer Eudoxe, disciple du pythagorien Archytas.

Il n’y a cependant pas là, pas plus que dans des témoignages plus récents, de raisons suffisantes pour attribuer à l’école de Pythagore en général, comme est tenté de le faire Éd. Zeller, cette théorie des sphères solides. L’enseignement mathématique du Maître put, il est vrai, contribuer à l’adoption de cette doctrine ; mais nous verrons que la reconnaissance de la solidité de la sphère des fixes par Parménide est au moins douteuse, et qu’il s’est, comme je l’ai déjà indiqué, plutôt inspiré d’Anaximandre que du dernier Milésien. D’autre part, la membrane qui, chez les atomistes, enveloppe et délimite chaque monde, a été évidemment imaginée dans un ordre d’idées tout différent de celui d’Anaximène.

Mais au contraire Empédocle, qui avait d’ailleurs à expliquer la genèse du monde et cela en parlant de l’homogène, qui se trouvait donc dans les mêmes conditions initiales qu’Anaximène, semble