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témoigne d’un sérieux progrès scientifique. D’un côté, aux explications trop hardies d’autres sont substituées, plus simples et plus admissibles ; de l’autre, le cercle des connaissances positives est agrandi. Toutefois, rien n’indique de la part d’Anaximène des études prolongées ni l’examen approfondi de questions étrangères au cercle parcouru par Anaximandre ; rien n’empêche de croire que l’œuvre nouvelle ait été due à un homme relativement jeune.

Cette œuvre se distinguait au reste (Diog. L., II, 3) par un caractère qu’il convient de relever, la clarté et la simplicité du style, qualités nouvelles à une époque où le mode d’écrire en prose était relativement récent, et où les expressions d’Anaximandre, de Pythagore ou même d’Héraclite sont encore si poétiques et si obscures. Ce peut être là un motif pour ne pas trop reculer les dates de la vie d’Anaximène ; on le comprend mieux, en tant que prosateur, comme contemporain d’Hécatée plutôt que de Cadmus de Milet.

J’ai déjà indiqué la conception générale du monde adoptée par notre physicien ; cette conception est à très peu près celle des Chaldéens : un firmament solide, dans lequel les étoiles sont fichées comme des clous, et qui tourne autour de la terre « comme un bonnet autour de la tête » ; à l’intérieur, flottant au milieu de l’air et emportés par un tourbillon général, le soleil, la lune et les autres astres errants ; au centre la terre, très plate (2) (9) (10) (12).

Chez les Hellènes, avant Anaximène, nous ne trouvons aucune conception analogue ; toutefois, la doctrine ne présente pas assez de singularité pour qu’on doive affirmer l’origine orientale, qui est simplement possible ; mais si on la rejette, il faut sans doute attribuer l’invention au Milésien.

En tout cas, le progrès au point de vue scientifique est double : d’une part les étoiles fixes, que Thalès devait placer à la même distance que les autres astres, qu’Anaximandre mettait entre la terre et la lune, sont rejetées aux confins du monde, et les phénomènes de leur mouvement reçoivent une explication, certainement bien grossière à nos yeux, mais dont nous ne pouvons nier la simplicité, la parfaite concordance avec l’observation (au moins pour les anciens), enfin la merveilleuse commodité pour l’établissement de la théorie ; d’un autre côté, les cinq planètes sont pour la première fois distinguées des étoiles fixes et assimilées nettement pour les conditions de leurs mouvements au soleil et à la lune.

À la vérité, la tradition, qui, sous ce rapport, paraît 88861 digne