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POUR L’HISTOIRE DE LA SCIENCE HELLÈNE.

précurseurs, soit de leur maître, soit des grands mathématiciens de l’âge suivant, proviennent surtout de ces ouvrages historiques, malheureusement perdus. Dès lors, les règles de critique à appliquer pour la restitution des travaux de tous ces penseurs présentent une singulière uniformité, tandis qu’on doit les modifier pour les temps postérieurs, soit parce que les sources n’offrent plus le même caractère, soit parce que les concepts élucidés par Aristote ont désormais acquis une forme et une précision qu’on doit leur dénier auparavant.

2. J’ai parlé des grands mathématiciens de l’âge suivant, c’est-à-dire de la période alexandrine, à laquelle on peut, comme à la précédente, assigner une durée d’environ trois siècles, celle de la dynastie des Ptolémées en Égypte. Si, en effet, cette période est aussi bien délimitée, pour la politique et la littérature, que l’âge hellène proprement dit, elle est surtout remarquable, au point de vue scientifique, par l’apparition des plus grands géomètres de l’antiquité, comme aussi par cette circonstance que les écrits de science qui en subsistent encore, sont exclusivement mathématiques.

Au contraire, de l’âge antérieur, il nous reste à peine un seul fragment géométrique[1]. Mais nous ne devons pas nous y tromper ; les sciences abstraites avaient, dès lors, grandi autant et plus que les sciences naturelles, et la vérité est que les théories exposées dans les ouvrages d’Euclide et d’Apollonius qui subsistent encore en grec, leur sont en réalité bien antérieures. Seulement, les perfectionnements apportés à ces théories, soit dans le fond, soit dans la forme, ont fait oublier, et cela de très bonne heure, tous les traités précédents sur la matière, quelle qu’en ait pu être la valeur.

Le développement des mathématiques pendant l’âge hellène fut précisément assez considérable pour les constituer en spécialité et pour obliger désormais ceux qui voulurent les faire progresser, à s’y consacrer exclusivement. Au ive siècle avant notre ère, Eudoxe de Cnide, le grand géomètre et le grand astronome, est en même temps médecin, moraliste, législateur ; et cet exemple n’a rien d’exceptionnel : si Eudoxe est le type du sophiste accompli,

  1. Celui d’Hippocrate de Chios sur la quadrature des lunules, conservé, d’après Eudême, par Simplicius. (Voir le texte que j’ai donné, Mémoires de la Société des Sciences phys. et nat. de Bordeaux, V2, p. 179-187 ; 1883.)