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2o  La double face de ce concept était désignée par lui au moyen d’un terme unique, qu’Anaximandre avait déjà employé dans un sens plus restreint ;

3o  Pythagore n’a point dégagé le concept de l’espace absolu, et son infini — vide apparent — était pour lui une matière assimilable à l’air.

4. Les conclusions qui précèdent ne doivent nullement faire croire que, pour compléter le concept de l’espace infini, il ne restait plus, dès la fin du vie siècle, qu’à constituer la notion du vide absolu. Philosophiquement parlant, comme le dit Teichmüller, un concept n’existe que lorsqu’il est appliqué, lorsque sa forme entraîne des déductions nécessaires ; or, nous n’apercevons, à la date où nous sommes, rien de semblable pour le concept qui nous occupe, si l’on fait abstraction de son intervention en géométrie pour la théorie des parallèles, sans aucun doute connue de Pythagore.

La nécessité logique, subjective, de concevoir comme infini l’espace en tant que support des spéculations géométriques, était certainement évidente dès cette époque. Mais il restait à savoir si cette nécessité avait une valeur objective, si elle s’appliquait à l’espace physique, alors conçu comme lieu de la matière.

Je suis obligé d’employer ici des termes techniques modernes pour expliquer une situation qui n’apparaissait alors que de la façon la plus confuse. Les anciens ne surent pas s’expliquer clairement sur cette distinction avant Aristote, qui nia l’infini en acte, mais le reconnut en puissance. Or, ce qu’il est précisément intéressant de rechercher, ce sont les étapes par lesquelles l’esprit humain est passé pour arriver à cette singulière formule, au lieu de reconnaître comme absolument valable la conception brute introduite par Pythagore, sauf à en dégager par abstraction la notion de l’espace absolu, lorsque celle du vide fut constituée par les atomistes.

Ce que je veux surtout faire remarquer, c’est que la question s’est posée, avant tout, non pas sur le terrain de la logique, où l’a amenée Aristote, mais à propos de la façon dont on devait se représenter l’univers.

Il est clair qu’Anaximandre, posant le principe de l’unité pour l’ensemble des choses, employant le terme ambigu d’« infini ». et attribuant à l’univers, conformément aux apparences, le mouvement de la révolution diurne, avait soulevé une antinomie. Tant