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3. Il est à peine utile de faire remarquer qu’à côté de cette formule, l’École en adopta plus tard une tout abstraite, où le ciel fut représenté par la Monade, l’infini par la Dyade. Mais l’infini que Pythagore concevait était, on le voit, absolument concret ; au point de vue matériel, il ne diffère de l’infini d’Anaximandre qu’en ce qu’il ne forme point exclusivement la substance du cosmos. Or, on ne peut mettre en doute que Pythagore ne se représentât ce cosmos sous la forme d’une sphère limitée, et il est à peu près certain qu’il lui attribuait le mouvement de révolution diurne, dont la négation, dans le sein de l’École, ne doit pas être reculée au delà de Philolaos. Toutefois, à la différence du physiologue milésien, le géomètre de Samos a la notion précise de l’infinitude de l’espace, qu’au delà du ciel il remplit du pneuma illimité. Du moins, c’est ainsi que l’entend Aristote, et ici aucune difficulté ne peut être élevée contre son témoignage, puisque évidemment Pythagore, avec son système dualistique, n’avait plus à attribuer le mouvement de révolution diurne à la totalité de la matière.

Mais ce n’est là qu’une des faces du concept de l’ἄπειρον, tel qu’il apparaît dès lors. Il en est une autre à laquelle l’École semble s’être attachée et qui concerne le rôle de l’« infini » dans l’intérieur du cosmos. Il y délimite les choses et réciproquement se trouve délimité par elles. C’est ainsi qu’il est opposé, non pas au limité, mais à la limite (πέρας) : c’est-à-dire, matériellement parlant, l’air est opposé à l’élément qui donne de la consistance et de la solidité aux êtres ; géométriquement parlant, l’espace non figuré est opposé à la figure, au point, à la ligne, à la surface qui lui donnent des déterminations. De ce point de vue, l’ἄπειρον serait le continu, et le πέρας le principe de discontinuité ou d’individualité.

Nous retombons en fait sur la face du concept qu’Anaximandre avait seule envisagée ; toutefois, elle semble maintenant précisée par le rapprochement des notions géométriques. Si nous observons, d’autre part, que, dans l’École, le caractère de la divisibilité indéfinie du continu a été notamment mis en relief par l’assimilation de l’« infini » au nombre pair, nous reconnaîtrons que c’est de ce côté que s’est formé ultérieurement le concept de l’infiniment petit. Mais cette indication suffit pour le moment, et nous nous bornerons à conclure :

1o C’est à Pythagore que remonte l’origine du concept scientifique de l’espace, en tant que continu d’une part, illimité de l’autre ;