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On sait que la transformation de la chaleur en travail mécanique et réciproquement celle du travail en chaleur ont été démontrées s’accomplir sous une équivalence fixe, sous un rapport déterminé entre l’unité servant à mesurer la chaleur et celle employée pour évaluer le travail. La chaleur peut, par suite, être considérée comme un mouvement ; il n’en est pas moins clair que ce mouvement réside dans les éléments les plus intimes des corps et doit être absolument distingué de celui que nous pouvons percevoir comme appartenant aux molécules visibles.

Si, dans cet ordre d’idées, on appelle énergie moléculaire d’un corps le travail que représente la constitution de ce corps, y compris les mouvements généraux et particuliers de transfert des molécules, mais abstraction faite de la chaleur qu’il possède, si d’autre part on désigne sous le nom d’énergie calorique le travail équivalent à cette chaleur de ce corps, la loi de la conservation des forces vives, dans les limites où elle est applicable à un système de corps non soumis à des actions extérieures au système, peut s’énoncer en disant que la somme de l’énergie moléculaire et de l’énergie calorique est constante.

Aucune de ces deux énergies ne peut tomber au-dessous de zéro ; mais on peut supposer deux états extrêmes : l’un dans lequel l’énergie calorique serait nulle, où tous les corps seraient par suite au zéro absolu de température et où l’énergie moléculaire serait à son maximum ; l’autre au contraire dans lequel l’énergie moléculaire serait nulle et par conséquent tous les corps au repos complet, dans lequel l’énergie calorique serait au contraire à son maximum, supposition qui exige d’ailleurs la répartition uniforme de l’énergie calorique ou l’équilibre général des températures, puisque l’expérience nous montre les différences de températures nécessairement liées à des phénomènes de transfert des molécules.

Si l’on suppose enfin qu’il soit démontré, pour le système de corps dont il s’agit, que l’énergie calorique va sans cesse en s’accroissant aux dépens de l’énergie moléculaire, il y aura, comme le dit Clausius, entropie dans ce système ; cette entropie sera la marche, sinon du premier au second des deux états extrêmes que nous avons définis, du moins de l’état où l’énergie calorique est à son minimum à l’état où l’énergie moléculaire est au contraire la plus faible possible, si l’on admet que ces minima puissent être différents de zéro. Ceci posé, peut-on établir que notre monde est soumis à une entropie ?