Une dernière remarque à ce sujet : Anaximandre connaissait évidemment, comme Thalès, l’obliquité de l’écliptique et de l’orbite lunaire, et il avait pu dès lors être amené à donner à ses anneaux une position oblique sur l’équateur. Mais pour expliquer, dans son système, la révolution annuelle du soleil, la révolution mensuelle de la lune, il était obligé de supposer ou bien que les anneaux possédaient un mouvement distinct de la révolution diurne, ou bien que les ouvertures se déplaçaient continuellement à la surface de ces anneaux.
Dans cette seconde hypothèse, plus simple, et d’accord avec celle qui admettait la possibilité du changement de forme ou même de la fermeture des bouches d’évent, il n’y a plus aucun motif logique pour disposer obliquement les trois anneaux ; il est plus rationnel d’augmenter considérablement leur hauteur, jusqu’à douze fois environ le diamètre de la terre, et de les placer tous trois parallèlement à l’équateur, leur faisant occuper tout l’espace angulaire compris pour le soleil entre les tropiques, pour la lune entre ses points de déclinaison maxima, pour les étoiles, entre les plus boréales et les plus australes de la voie lactée. Les textes ne sont pas favorables à cette représentation du système d’Anaximandre ; mais ainsi corrigé, il conduit immédiatement au système de Parménide, repris par Platon dans le mythe d’Er du livre X de la République. Ce rapprochement suffit à montrer que la conception de l’Ionien a joué un rôle historique plus considérable qu’on ne serait porté à le croire à première vue ; ajoutons qu’il s’en retrouve des échos jusque dans les vers de Lucrèce (comme flammantia mœnia mundi, etc.).
III. — l’Infini et l’Indéterminé.
8. En essayant de pousser aussi loin que possible la restitution du système cosmique d’Anaximandre, nous l’avons traité comme une hypothèse scientifique ; nous avons pu, de la sorte, constater chez son auteur une imagination claire et précise, arrivant à coordonner l’ensemble des phénomènes de la nature sous une représentation aussi erronée que l’on voudra, mais incontestablement nette et saisissante. Toutefois cette netteté, cette précision n’existent que dans les images matérielles qu’il crée ; on ne peut aucunement les attribuer aux concepts métaphysiques désignés par