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la lune et du soleil ; l’anneau de la lune, d’ailleurs placé obliquement, par rapport à celui du soleil, ne doit pas éclipser non plus l’astre du jour.

À côté de cette opinion, dont la haute valeur est indiscutable, il me sera sans doute permis de présenter une autre hypothèse, dans laquelle les enveloppes feutrées pourraient être toutes également transparentes.

Il suffit d’admettre, comme je l’ai fait au reste tacitement dans l’exposé de l’explication de la lumière des astres d’après le Milésien, que le courant subtil à l’intérieur des cerceaux, quoique désigné sous le nom de feu (πῦρ), ne devient lumineux, ne s’enflamme (φλόξ) qu’à la sortie, en jaillissant par l’étroite ouverture comparée à la tuyère d’un soufflet de forge (11).

Or, cette opinion s’accorde suffisamment avec l’emploi postérieur du mot πῦρ dans le langage scientifique des anciens. Il serait surabondant d’accumuler des preuves pour établir que ce terme désigne, en général, une matière subtile non pas incandescente, mais susceptible de le devenir très facilement. À la vérité, il n’y a pas de preuves complètes que ce sens remonte jusqu’à Anaximandre ; mais il semble qu’il se prête au mieux à son explication de l’éclair (2) (13), d’après laquelle la lumière serait due à la brusque expansion de la matière ignée, l’effet étant d’ailleurs renforcé par le contraste de l’obscurité environnante. Dès lors, dans les canaux des anneaux célestes où tourbillonne cette matière avant de s’échapper de sa prison, elle devrait encore rester invisible.

Quoi qu’il en soit, nous ne sommes, en aucun cas, limités par aucune raison relative à la transparence pour la hauteur à donner aux trois anneaux célestes.

Comme limite inférieure, nous possédons, pour la lune et le soleil, la dimension de l’ouverture, d’après le diamètre apparent des disques, déjà connu de Thalès, et les distances supposées par Anaximandre. De faciles constructions géométriques déterminent ces dimensions au huitième environ du diamètre de la terre pour le soleil, à près des trois quarts pour la lune. Quant à l’anneau de la voie lactée, d’après les apparences, il aurait dû dépasser quelque peu comme hauteur le diamètre de la terre.

Si on rapproche de ces proportions la donnée ambiguë (12) que le soleil est égal à la terre, on peut être porté à admettre qu’Anaximandre avait précisément pris le diamètre de la terre comme hauteur de ses trois anneaux.