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droit de louer une femme que j’ai pu parfaitement connaître, parfaitement apprécier. On a déjà dit d’elle beaucoup de bien[1] ; on n’en dira jamais assez. Elle possédait la plus haute intelligence et le plus noble cœur : ce qui rehaussait encore toutes ses grandes qualités, c’était une modestie, une simplicité dont le charme était toujours nouveau. Elle cherchait à voiler son mérite avec autant de soin que d’autres se complaisent à l’étaler. De même qu’elle cachait les abondantes aumônes qu’elle répandait continuellement dans la main des pauvres, elle aurait voulu cacher ses beaux talents, ses profondes connaissances, en un mot tout ce qui constituait son éclatante supériorité et faisait d’elle la reine intellectuelle de toute la région. Je ne suis pas une savante, disait-elle souvent, mais seulement une curieuse. La vérité, c’est que personne au monde, même parmi les plus renommés spécialistes, ne savait aussi admirablement qu’elle l’histoire des vieilles familles de la France. Fécondant par une rare sagacité des lectures infinies, elle démêlait avec une dextérité parfaite les écheveaux les plus embrouillés. Aidée de son excellente mémoire et surtout de son ferme bon sens — ce bon sens appelé si heureusement par Jasmin l’aïnat

  1. Sans parler des journaux de Paris, je mentionnerai les articles nécrologiques publiés, le lendemain de sa mort, le 25 avril, dans l’Avenir de Lot-et-Garonne et dans le Journal de Lot-et-Garonne. Le rédacteur en chef de ce dernier journal, M. Xavier de Lassalle, ami dévoué de Madame de Raymond, a déploré sa perte en termes touchants. Les divers journaux d’Agen ont reproduit, le 30 avril, une remarquable communication de M. Georges Tholin, archiviste du département de Lot-et-Garonne, annonçant avec toute l’émotion de la reconnaissance que Madame de Raymond, « après tant de services rendus pendant sa vie à ceux qui s’intéressent à l’histoire du pays, a voulu continuer son œuvre patriotique même après sa mort », et qu’ « elle a légué aux Archives départementales les manuscrits composés par elle, une collection de documents et d’autographes et sa riche bibliothèque. » Le mot riche est bien appliqué, car le libraire Bachelin-Deflorenne, il y a vingt ans environ, offrit à la comtesse de Raymond quarante mille francs de la seule collection de ses livres généalogiques. J’emprunte à la communication du savant archiviste un passage qui signale une démonstration des érudits gascons bien flatteuse pour l’inspiratrice et la protectrice de tant de publications relatives à notre région « La Société des Archives historiques de la Gascogne, fondée il y a deux ans, et qui a déjà publié de si excellents travaux, inaugurait ses séances, à Auch, par une acclamation à Madame de Raymond, membre fondateur. »