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livres, comme un flot toujours montant, ayant peu à peu — les doux tyrans ! — envahi toute la pièce. Madame de Raymond réunissait alors des notes sur les gentilshommes de l’Agenais qui, en 1789, avaient été admis à voter pour l’élection de l’ordre de la Noblesse aux États généraux. Quelques renseignements lui manquaient : ma chère cousine, Madame de Pérès, lui dit que j’étais un vaillant chercheur et qu’elle ferait bien de s’adresser à moi. Madame de Raymond suivit le conseil de son amie. Je fus assez heureux pour justifier la confiance dont j’avais été honoré. La bonne comtesse accueillit ma communication avec cette parfaite bonne grâce qui fut toujours une de ses plus attrayantes qualités ; elle me demanda d’autres renseignements, que naturellement je m’empressai de lui fournir. Ainsi s’établit entre nous une correspondance qui devait durer tout le reste de sa vie et qui a été tellement active que, le dernier jour où j’ai eu la faveur de la voir, elle a pu me dire, en riant : Savez-vous bien que je possède plus de trois mille lettres de vous ? Ce nombre effrayant s’explique très bien : Madame de Raymond et moi nous avons toujours été, depuis vingt-cinq ans, d’infatigables travailleurs, et pour l’un comme pour l’autre pas un jour ne s’est passé sans être embelli par quelque recherche. Quand l’un de nous, étudiant une page d’histoire et particulièrement une page d’histoire gasconne, ne trouvait pas tout ce qu’il aurait voulu trouver, il interrogeait son camarade ; la réponse n’était pas toujours satisfaisante ; on cherchait encore de part et d’autre, on échangeait des conjectures, des textes ; on discutait le tout et, après s’être mis d’accord, on attaquait, une autre question avec une nouvelle ardeur. C’étaient de continuels recommencements, et la navette entre Agen et Gontaud ne s’arrêtait pas, pour ainsi dire. Joignez à ces incessantes incursions dans le passé mille sujets de causerie contemporains, un livre nouveau, un article de revue, une anecdote littéraire ou mondaine, la capture d’un auto-