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IV.

JOURNAL DE JEAN-BAPTISTE DE FONTAINEMARIE.
(1720-1774).


Je Jean-Baptiste de Fontainemarie, aujourd’hui Conseiller en la Cour des Aydes et finances de Guyenne, fils de feu Monsieur François de Fontainemarie, Conseiller du Roy et doyen en la Cour des Aydes de Guienne, et de Madame Marie-Marguerite Boutin, suis né à Marmande le 24 juin de l’année mille sept cens vint et trois à deux heures après midy. Ma naissance fit beaucoup de joye à toute la ville, surtout à mon très cher père qui se trouvoit pour lors âgé d’environ soixante ans. Il étoit généralement aimé et respecté de tout le monde, rendant service au pauvre comme au riche, ne prenant jamais d’orgueil pour personne. Il étoit extremement religieux, donnant toujours de fort bons conseils ; il étoit prudent, grand jurisconsulte, accomodoit beaucoup d’affaires, n’en travailloit jamais aucune pour peu qu’il reconnut qu’elle étoit mauvaise ; en un mot, c’étoit à tous égards un grand juge et très estimé en sa Cour.

À peine fus-je en état de recevoir de l’éducation qu’il songeoit à ne rien négliger et se donnoit tous les mouvements pour me la donner aussi bonne qu’il l’avoit lui-même reçue et principalement pour la religion. Il crut ne pouvoir mieux faire que de me mettre à Poitiers chès les Jésuites, au collège que l’on nomme Pygarreaux, après avoir passé deux ans chés les Barnabites an collège de Bazas[1]. Je fus donc à Poitiers où je resté tout de suite quatre ans avec mon frère. J’entré, en y arrivant, en seconde, y fis l’année suivante ma rhétorique et, deux ans de philosophie. Ce fut pendant ce tems-là et en l’année 1741 le 19 novembre que j’eus le malheur de perdre mon très cher père ; j’en ay senty toute la perte depuis, et elle auroit été bien plus grande si nous n’eussions pas eu une mère aussi tendre pour ses chers enfanfs, et aussi respectable qu’elle l’est. Mon très cher père, qui cognoissoit son mérite, luy laissa par son testa-

  1. Pourquoi n’avons-nous pas une complète histoire de ce collège de Bazas qui, soit avant la Révolution, soit en notre siècle, a eu de si savants professeurs et de si brillants élèves ?