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« Monsieur mon frère, ensuitte de ce que je vous avois escript par mes dernières despesches, M"1 Bourgogne s’en retourna mardy chez elle, dans nostre litière, et emmena sa petite-fille Claire (i) jusques en Séon(2),où M. Lombard et deux aultres honnestes hommes de mes amys l’allèrent conduire. Le lendemain la litière s’en revint toute vuide, et arriva icy sur le midy. Le soirànuict close, ledict sir t Lombard arriva à la porte de la ville ayant ramené Claire en crouppe du mallier affeublée d’un bon caban {)) à causedu vent, et accompagnée des dicts deux hommes, gents d’honneur. Ils mirent pied à terre dans la ville, et trouvèrent Mlle Lombard qui les attendoit au coin de l’église des Cordeliers, avec laquelle Claire s’en alla droict au lieu destiné, suyvie de loing par l’un des dicts honnestes hommes, tandis que M. Lombard et l’aultre vinrent, avec les chevaux, mettre pied à terre céans. Si tost que Claire toucha la porte de l’église, elle fut ouverte par une religieuse qui l’attendoit derrière, et s’estant desveloppée du caban (4), entra dans le logis des Dames de Sainte-Marie, lesquelles la receurent fort favorablement. Et aussy tost, celuy qui l’avoit suyvie jusques là alla prendre son coffre qui avoit esté porté chez luy dez le jour precedant (je pense que vous le cognoissez, il a nom le sire Grange) et le fit porter dans la dicte maison. Tout cela se fit tant de gré à gré, que ce ne peult estre qu’un coup du ciel. Elle s’y trouve si bien, qu’elle ne plaint que de n’y estre entrée plustost, et dict desja qu’elle n’en sortira plus. Le temps et la persévérance feront voir si (1) Sa petite fille adoptivesans doute, l’expression étant prise dans un sens métaphorique. S’il n’y a pas là un simple terme d’amitié, comment expliquer les mots sa f élite fille t (2) II s’agit de Séon, station de la ligne de Paris-Lyon-Méditerranée; c’est le chef-lieu d’une commune à 9 kilomètres de Marseille. (3) Le caban d’alors était une sorte de casaque qui préservait de la pluie. Mais comme nous sommes Aix, et ainsi, d’ailleurs, que l’explique Peiresc, il faut à la pluie substituer le vent, ce terrible vent qui, suivant le dicton fameux, dut être mis, avec notre d’Èpernon, parmi les plus cruels fléaux de la Provence. (4) C’est-à-dire dégagée du caban qui t’envetoppait. Michel de Montaigne a dit Se développer d’un argument.