D’après Scipion du Pleix, ce serait à Condom que Monluc aurait expiré. L’assertion de l’historien indigène est aussi formelle que possible : « L’année fut remarquable par le trepas d’aucuns illustres personnages et entr’autres de Blaise de Monluc, mareschal de France, qui mourut à Condom et fut enterré dans le cœur de l’église cathédrale[1]. Ce témoignage est-il recevable ? Je ne le crois pas. Du Pleix seul au monde déclare que sa ville natale vit mourir et vit enterrer l’ancien lieutenant général du Roi en Guyenne. Comment expliquer le silence de tous les contemporains, de tous les chercheurs du siècle suivant ? Dieu me garde de dire du mal de Scipion du Pleix, dont l’œuvre historique, trop méconnue, se recommande par de hautes qualités, et, surtout pour la période des guerres de religion, a des parties excellentes ! Mais l’isolement complet où le laissent, à l’égard du décès et de la sépulture de Monluc, tous les documents imprimés ou manuscrits, nous oblige à garder un doute prudent.
M. Gardère pense, au contraire, que les précises affirmations de son concitoyen doivent être acceptées par la critique. Je lui avais demandé une consultation sur ce sujet : on poura la lire à l’Appendice (n° II). C’est avec beaucoup d’habileté que le bibliothécaire de la ville de Condom fait valoir tous les arguments favorables à sa cause. Si ce plaidoyer pro urbe sua ne persuade pas tous les lecteurs, je suis sûr du moins qu’il les intéressera tous.
Que devint le vieux lion à partir du 18 août 1577 ? La mystérieuse obscurité dont sa fin est enveloppée n’autorise-t-elle pas à rappeler les dernières lignes des Commentaires, qui sont d’une mélancolie si grandiose, et qui forment tout un saisissant tableau tant admiré de Sainte-Beuve[2] : « Il me ressouvenoit tousjours d’ung prieuré, assis dans les montaignes, que j’avois veu autresfois, partie en Espagne, partie