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fut déposé. Comme on parloit de le déposer, il dit : « Je m’en vais les faire tous pleurer. » En effet, il prôna si bien qu’ils pleurèrent tous ; mais cela n’empêcha pas à la fin qu’on ne passât outre. Après il fit un voyage à la cour, et en revint en poste avec un manteau doublé de panne verte, pourvu de la charge de lieutenant criminel au présidial de Nîmes. Le peuple, dont la plus grande part est de la religion, quoique Ferrier ne se fût point encore révolté, s’émut contre lui, et il eut de la peine à se sauver. La nuit, par l’aide d’un de ses amis, il sortit de la ville et alla faire ses plaintes à la cour. Il ne retourna pas pourtant à Nîmes ; il vendit sa charge, et il demeura à Paris. Là, il ne se fit pas catholique tout d’abord ; il fit bien des cérémonies avant que d’en venir là, et ne fit point abjuration qu’il ne fût assuré d’une bonne pension que le cardinal Du Perron lui fit donner par le clergé. Cependant, comme il étoit fourbe, il les tenoit toujours en jalousie, et entretenoit commerce avec M. Du Plessis-Mornay. Il lui avoit fait si bien espérer qu’il reviendroit, que M. Du Plessis avoit eu promesse d’une place de professeur en l’académie de Bâle en Suisse, où Ferrier lui faisoit accroire qu’il transporteroit tout son bien, et qu’il s’y retireroit dès qu’il auroit vendu deux maisons qu’il avoit à Paris : même il lui avoit promis de faire imprimer la réfutation du livre qu’il avoit publié en changeant de religion ; car, depuis sa déposition, il avoit étudié et s’étoit rendu savant. Mais, lorsque M. Du Plessis vint à Paris pour aller à Rouen à l’assemblée des notables, il lui manqua de parole, et montra bien qu’il ne faisoit cela que pour tenir, comme