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forces. Ferrier lui dit à peu près comme il s’y falloit prendre, tant pour le sermon que pour la prière. La prière faite, le président fait un grand soupir, comme s’il avoit été touché ; puis, dès le milieu de l’exorde, il s’écria : Bon ! Tout le monde, qui le regardoit comme un oracle, ne douta pas que ce sermon ne fût bon, puisqu’il l’approuvoit ; et le jeune homme eut comme cela cette église.

M. Le Fauscheur, un de nos ministres de Paris, qui a fait le Traité de l’action de l’orateur, m’a dit qu’il s’étoit trouvé à un synode où l’on avoit ordonné à Ferrier de faire une lettre pour le Roi. Il la lut à l’assemblée, et sa belle voix leur imposa tellement, qu’ils en furent comme ravis ; un, entre autres, pria le modérateur qu’on lui laissât lire en son particulier cette lettre ; mais il en fut incontinent désabusé, et en donna avis aux principaux ; eux le dirent à Ferrier, et lui marquèrent les endroits. Il reprit sa lettre, et l’ayant relue en leur présence, ils furent encore dupés une seconde fois ; enfin, les plus sages s’avisèrent de la corriger sans en rien dire, et on n’y laissa pas une période entière, tant il y avoit de choses à changer. C’étoit l’homme du monde le plus avare, jusque là que quand il étoit député en quelque synode, il vivoit si mesquinement, et recherchoit avec tant de soin les repues-franches, qu’il épargnoit les deux tiers de ce qu’on lui donnoit pour sa dépense.

Un homme de cette humeur étoit aisé à corrompre : aussi, lorsque, après la mort de Henri IV, on eut résolu de sonder si on pouvoit gagner quelques ministres, celui-ci alla au-devant de ceux qui offroient des pensions de la cour. Pour cela et pour d’autres choses, il