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Je vous laisse à penser s’il étoit en belle humeur : il se promenoit le manteau sur le nez et le chapeau enfoncé ; c’étoit un dimanche, et il y avoit, entre autres menues gens, un garçon menuisier qui dit à l’autre en lui montrant Fontenay : « Ardez[1], en voilà un qui est en colère. » Fontenay, dont la bile n’étoit déjà que trop émue, met l’épée à la main pour donner sur les oreilles à ce garçon ; mais le menuisier avoit une estocade sous son bras : ç’avoit été un laquais-gladiateur ; il se défend, et comme son épée étoit beaucoup plus longue, il blesse notre capitan à la cuisse et le laisse à terre. Ses amis, en ayant eu avis, le vinrent quérir, et il fut contraint de se railler lui-même d’avoir été battu en si peu de temps et de deux façons différentes par un bourgeois et par un garçon menuisier.

Il étoit un jour chez madame Des Loges ; c’étoit un peu après le siége de La Rochelle. Madame Des Loges contoit fort agréablement un voyage qu’elle venoit de faire en Saintonge : elle y alloit, disoit-elle, de temps en temps, pour raccommoder ce que M. Des Loges avoit gâté. Une sotte femme d’un conseiller huguenot, nommée madame Madelaine, alla parler de l’embarras où les Huguenots étoient ici durant le siége de La Rochelle. « J’étois retirée, disoit-elle, chez mon oncle d’Arbaud, secrétaire d’État, avec tous mes enfants ; nous n’avions qu’une chambre ; ma fille me demandoit ses nécessités ; je ne savois où mettre sa chaise. — Fi ! fi ! vilaine, lui dit brusquement Fontenay, ne parlez point ici de m..... »

Une fois il rencontra à onze heures du soir, dans la

  1. Expression populaire, pour dire regardez.