Page:Tallemant des Réaux - Les historiettes, tome 3.djvu/8

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

grands seigneurs. Il mourut subitement au commencement de la Ligue. Le maréchal avoit de qui tenir pour aimer les femmes, et aussi pour dire de bons mots, car son père s’en mêloit.

À son avénement à la cour, c’étoit après le siége d’Amiens, il tomba par malheur entre les mains de Sigongne[1], celui qui a été si satirique. C’étoit un vieux renard qui étoit écuyer d’écurie chez le Roi : il vit ce jeune homme qui faisoit l’entendu ; il lui voulut abattre le caquet, et, faisant le provincial nouveau venu, il le pria niaisement de le vouloir présenter au Roi. Bassompierre crut avoir trouvé un innocent, et s’en jouer ; il entra, et dit au Roi en riant : « Sire, voici un gentilhomme nouvellement arrivé de la province qui désire faire la révérence à Votre Majesté. » Tout le monde se mit à rire, et le jeune monsieur fut fort déferré.

On dit que jouant avec Henri IV, le Roi s’aperçut qu’il y avoit des demi-pistoles parmi les pistoles ; Bassompierre lui dit : « Sire, c’est Votre Majesté qui les a voulu faire passer pour pistoles. — C’est vous, » répondit le Roi. Bassompierre les prend toutes, remet des pistoles en la place, et puis va jeter les demi-pistoles aux pages et aux laquais par la fenêtre. La Reine dit sur cela : « Bassompierre fait le Roi, et le Roi fait Bassompierre. » Le Roi se fâcha de ce qu’elle avoit dit. « Elle voudroit bien qu’il le fût, repartit le Roi, elle en auroit un mari plus jeune. » Bassompierre étoit

  1. Voir la note 3 de la p. 111 du t. I.