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falloit pourtant, quoi qu’il coûtât, avoir un extrait baptistaire ; au lieu que ce devoit être le fils qui se plaignît d’avoir été éloigné et enlevé par sa mère, la mère se plaignit, disant qu’on lui avoit enlevé son fils. Chabot, par le moyen du coadjuteur, obligea le curé de Saint-Paul à donner l’extrait baptistaire de Tancrède Bon.

Madame de Rohan fit un manifeste que j’ai : mais c’est une plaisante pièce. Elle dit qu’on avoit celé la naissance de ce garçon à cause de la persécution que M. le Prince faisoit à madame de Rohan, car il avoit fait déjà mettre la coignée dans toutes leurs forêts, et on craignoit que voyant un fils qui pourroit être un jour chef du parti huguenot, il ne s’en défît d’une ou d’autre façon. Ce fut, ajoute-t-elle, ce qui empêcha de l’envoyer à Venise. Elle faisoit une grande parade d’un toupet de cheveux blancs que cet enfant avoit comme M. de Rohan.

Ce qu’il y eut de fâcheux pour Tancrède, c’est que mademoiselle Anne de Rohan déclara qu’elle n’avoit jamais ouï parler de cet enfant.

Madame Pilou disoit à madame de Rohan : « Écoutez, madame, je veux croire que ce garçon est à M. de Rohan, aussi bien que madame votre fille ; mais j’ai vu M. de Rohan tenir votre fille sur ses genoux, et je ne lui ai jamais rien ouï dire de ce fils, ni de près ni de loin. » La vie de la mère nuisit fort à ce garçon, car tout le monde étoit persuadé qu’il étoit à M. de Candale.

Ce garçon avoit bonne mine, quoiqu’il fût petit, car sa mère et ses deux pères étoient petits ; il avoit du cœur et de l’esprit. On dit qu’à Leyde, où il étoit entretenu fort pauvrement, un de ses camarades l’ayant