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qu’elle étoit perdue de réputation, après tout ce qu’on avoit dit ; que sa mère l’enlèveroit et la renfermeroit à Calais chez son parent Charrault, pour la marier à qui elle voudroit. Enfin, elle promit de l’épouser à la majorité (du Roi), qu’il pourroit être reçu duc de Rohan.

M. de Retz amusoit la mère, tandis que M. le Prince parloit à la fille ; elles étoient ensemble ce jour-là. En résolution de s’en aller en Bretagne avec sa tante, elle faisoit ses adieux ; elle étoit chez mademoiselle de Bouillon, en dessein de partir le lendemain, quand M. le Prince, qui la cherchoit, y vint et lui parla encore, mais peu ; elle fit bien des mystères pour qu’on ne s’en aperçût pas. Elle alla ensuite chez M. de Sully, qui, comme j’ai dit, étoit pour Chabot. On donna l’alarme à madame de Rohan, et ce fut, à ce qu’on dit, M. d’Elbeuf qui l’avertit que sa fille s’alloit marier à l’hôtel de Sully, et lui promit de l’enlever si elle la vouloit donner à son fils aîné. Cette mère épouvantée va vite à l’hôtel de Sully, parle à sa fille, mais n’en revient pas trop satisfaite. Ce divorce fit croire aux partisans de Chabot que l’heure étoit venue : on presse la fille, on lui donne parole du brevet (de duc), et on fait si bien qu’elle se laisse mener à Sully, où elle épousa Chabot. Sa tante, qui devoit aller avec elle en Bretagne, s’en alla toute seule, bien étonnée ; car, simple qu’elle étoit, elle n’avoit jamais rien voulu croire contre sa nièce.

On dit qu’à Sully, Chabot et sa femme entendirent que M. de Sully disoit à madame : « Je ne sais comment j’obligerai mes gens à appeler Chabot M. de Rohan, car le vieux cuisinier de feu M. de Sully,