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Reine. Ainsi cela vint à madame de Lansac, qui le dit à madame de Rohan, quand sa fille fut mariée avec Chabot. M. de Candale donna à madame de Rohan, par son testament, ce qu’il put.

Revenons à mademoiselle de Rohan. Le mépris avec lequel elle traitoit sa mère l’avoit mise en une telle réputation de vertu qu’on croyoit que c’étoit la pruderie incarnée. Pour une petite personne, on n’en pouvoit guère trouver une plus belle avant la petite-vérole. Elle étoit fière ; elle étoit riche ; elle étoit d’une maison alliée avec toutes les maisons souveraines de l’Europe. Cela éblouissoit les gens. On la prenoit fort pour une autre, et jamais personne n’a eu de la réputation à meilleur marché ; car elle a l’esprit grossier, et ce n’étoit à proprement parler que de la morgue. Le premier avec qui on proposa de la marier, ce fut M. de Bouillon ; mais elle tenoit cela au-dessous d’elle.

Comme M. le comte de Soissons étoit à Sédan, on lui parla d’épouser mademoiselle de Rohan ; que c’étoit le moyen, disoit-on, de grossir son parti, en y attirant M. de Rohan, et peut-être ensuite les huguenots. En effet, M. le comte envoya un gentilhomme, nommé Mézière, à Paris, qui avoit ordre d’aller d’abord chez madame de Rohan, et de lui dire que M. le comte vouloit s’approcher d’elle, le plus près qu’il lui seroit possible, et autres termes semblables, qui faisoient assez entendre la chose ; mais il n’alla chez madame de Rohan qu’après avoir été partout où il avoit affaire, de sorte qu’étant pressé de partir, on n’eut pas le temps de rien traiter avec lui. On proposa la chose à M. le duc de Rohan, qui, alors, s’étoit retiré à Ge-