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avocat, père de celui qui est dans la Bastille, est parent de la chancelière ; cela lui coûte bien, car il a quitté le palais, et n’a rien fait avec le chancelier. Il a un fils qui porte le nom d’un prieuré, nommé de Vannes : c’est un évaporé. Le chancelier lui avoit fait quelque chose ; il alla lui chanter goguettes, qu’il étoit un beau justicier ! que lui et tous ceux qu’il avoit maltraités iroient se jeter aux pieds du roi. « Vous avez de beaux comptes à rendre à Dieu, » lui dit-il. Là-dessus il lui parle de toutes ses voleries, des jeux de boule, dont il tiroit six ou sept écus, plus ou moins, de chacun ; du pavé, sur lequel il avoit tant friponné, du sceau, des boues, etc. Le chancelier lui dit qu’il le feroit jeter par les fenêtres. « Vous, reprit-il, je vous poignarderois si vous y aviez songé, » et puis s’en alla. M. de Meaux[1] que dit, s’il eût été là, il l’eût fait assommer. Il va trouver M. de Meaux, et lui reproche toutes ses débauches secrètes, car il savoit tout. Ce cagot a pris à Meaux tout le milieu du cloître pour son jardin, et a fait couper un bois destiné à la réfection de l’église, qu’il a fort bien vendu sans en donner un sou au chapitre, et tout cela comme frère du chancelier. Or, depuis, une fois le chancelier eut affaire de de Vannes, à cause de feu M. de Sully, avec qui ce dernier étoit assez bien ; mais le chancelier ne voulut jamais lui parler ; il se tint à un bout de la salle, et l’autre à l’autre. Le Père Matarel faisoit les allées et venues. Le chancelier, tout

  1. Dominique Séguier, conseiller clerc au Parlement, doyen de l’église de Paris, évêque d’Auxerre, puis de Meaux, premier aumônier du Roi, mourut en 1659.