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son mari. Bautru, qui est homme d’esprit, lui souffrit bien de petites choses ; mais il eut tort de lui laisser mettre des couronnes, et de lui donner un écuyer qui avoit l’épée au côté. Il y eut bientôt noise entre lui et madame de La Bazinière, car l’année de feu son mari étant venue, on ne voulut pas laisser exercer la charge à son fils qui étoit trop jeune. Bautru s’y opposa, craignant que cela ne préjudiciât à sa belle-fille. Cependant la mère ayant répondu, Bazinière exerçoit ; la jeune Bazinière en vouloit à la mort à Bautru, et mit dans la tête de cette jeune femme que son mari, qui à la vérité n’est qu’un sot, étoit indigne d’elle ; que sa sœur épouseroit un duc et pair, et que c’étoit une chose bien cruelle de n’être la femme que d’un homme de robe, quand on pouvoit avoir le tabouret chez la Reine. Cela alla si avant que, comme elle n’avoit point eu encore d’enfants, on lui parloit de se faire démarier. Bautru, voyant cela, feint une promenade à Issy, où l’on fit trouver encore quatre chevaux. Serran, qui y étoit avec sa femme, dit : « Allons pour cinq ou six jours aux champs chez nos amis. » Ainsi, on la mena en Anjou, à Serran, où on ne la traita pas le mieux du monde. Une fois qu’elle disoit : « Mais que craint-on ? je ne vois pas un homme. — Il y a des valets, dit Serran. — Cela est bon pour votre mère, » lui répondit-elle. Avant cela, elle lui avoit dit des choses fort offensantes. « J’ai, lui dit-elle, autant d’aversion pour votre personne que pour votre soutane. » Un jour que le Père Des Mares prêchoit à Saint-Eustache sur les devoirs qu’un mari et une femme se doivent l’un à l’autre, il dit qu’une femme devoit aimer son mari de quelque façon qu’il pût être. Elle prit cela pour elle,