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point elle les avoit aimés ; car on ne dit point qu’elle ait conclu avec pas un. Son mari mourut quelque temps après. Ils ont laissé deux garçons.

Pompadour, le père de cette extravagante, étoit un bon gros homme, lieutenant de roi de Limousin, qui ne se tourmentoit guère de ce que faisoit sa femme[1] : il lui laissoit gouverner sa maison, qu’elle a rétablie, et son corps aussi, comme il lui plaisoit. Tous les matins, tandis que monsieur ronfloit de son côté, elle donnoit, étant encore au lit, audience à tout le monde. On dit qu’un jour quelqu’un de ses gens, revenant de la ville la plus proche, apporta bonne provision de sangles, quoiqu’il n’eût eu ordre d’apporter que des étrivières. Elle se mit à crier. « Hé bien ! hé bien ! lui dit un gentilhomme de son mari, ne vous fâchez pas ; vous n’aurez que les étrivières. » Elle se divertissoit avec les suivants de son mari, et il avoit de la peine à en garder, car elle n’étoit point jolie, et peut-être ne payoit-elle pas bien. Un jour elle ne vouloit pas qu’un d’eux allât à la chasse avec son mari : « Hé ! mordieu, madame, dit le bonhomme, je vous le laisse tous les jours ; que je l’aie au moins cette après-dînée. » Sa famille mit un jour en délibération si on jetteroit par les fenêtres un certain Prieuzac[2] de Bordeaux, qui vivoit fort scandaleusement avec madame. Il fut d’avis qu’on ne lui fît point de mal.

  1. Il avoit un secrétaire nommé Fauché, qui concubinoit avec madame. Il eut jalousie du gouverneur du jeune Pompadour, et un jour, par pays, comme ce gouverneur se fut approché de la litière de madame pour lui dire quelque chose, la rage le saisit ; il met l’épée à la main, l’attaque ; l’autre se défend, et le tue. (T.)
  2. Frère de l’académicien. (T.)