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même en visite. Une fois il fut comme cela chez M. Conrart, qui dit après : « Il y a des gens qui acquièrent de la réputation en parlant ; celui-ci en croit acquérir en ne parlant pas. » Il ne parle effectivement qu’où il s’imagine qu’on l’admirera. Scudéry, sa sœur, Chapelain et Conrart même l’achevèrent en louant une élégie, ou plutôt un centon qu’il avoit fait.

Bordier le père étant mort en 1660, ses enfants et ses gendres Morain et Gallard, tous deux maîtres des requêtes, furent assez fous pour mettre des couronnes à ses armes. Cela fit renouveler cent choses à quoi on n’auroit peut-être pas pensé.

Le Raincy emploie tout son temps à s’habiller. Quelquefois il n’est pas prêt à quatre heures du soir. Il est mort assez jeune. Le curé de Saint-Gervais, Sachot, qui le connoissoit et qui étoit son curé, lui alla déclarer qu’il falloit songer à sa conscience : il n’y vouloit pas entendre. Cet homme eut l’adresse de le gagner : il lui parla de sa jeunesse, de ses études, de son esprit et de ses vers, qu’il mit au-dessus de ceux d’Horace ; après il en fit tout ce qu’il voulut, et lui donna une telle crainte des jugements de Dieu, que l’autre, pour se mortifier, fit sa confession à genoux nus sur le carreau. Bordier l’aîné n’a pas laissé de demeurer à son aise ; il a quatre cent mille livres de bien, et s’est fait président de la cour des aides : c’est un fort bonhomme. Il a de l’amitié pour moi parce que mademoiselle Margonne est ma bonne amie. Il parle d’elle avec respect.