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ché. Il devoit aller avec madame de Franquetot et madame Scarron cul-de-jatte[1], au Cours ou quelque autre part ; mais les dames vouloient acheter des coiffes et des masques en passant. La Feuillade y vint faire visite. Raincy, qui fait l’homme d’importance, sans considérer que l’autre étoit plus de qualité que lui et assez mal endurant, dit à ces dames qu’il seroit temps de partir, et que, pour peu qu’elles ne trouvassent par hasard des coiffes et des masques à leur fantaisie, il se passeroit quelques heures à cette emplète ; après il se mit à contrefaire les niépesseries de femmes. La Feuillade, qui ne trouvoit pas cela trop plaisant, dit : « Vous pourriez ajouter encore que la flèche se pourroit bien rompre. — En ce cas-là, dit Raincy en goguenardant, elles auroient l’honneur de ma conversation, qui n’est pas trop désagréable. — Ma foi ! répliqua La Feuillade, pas si agréable aussi que vous penseriez bien ; » et lui dit quelque chose encore sur ce ton-là, puis finit ainsi : « Mesdames, il faut vous laisser partir, aussi bien monsieur que voilà ne se trouveroit peut-être pas trop bien de notre conversation. » Raincy a été si bon que de s’en plaindre au maréchal d’Albret, à cause qu’il le connoissoit. Cela est ridicule, car il semble qu’il ait prétendu qu’on en fît un accommodement. Le maréchal d’Albret en a parlé à La Feuillade, qui a répondu « que tout ce qu’il pouvoit, c’étoit de saluer Raincy quand Raincy le salueroit. »

Il sera quelquefois trois heures sans dire un mot,

  1. Madame Scarron, qui fut depuis la célèbre madame de Maintenon.