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que pour nommer les gens, dites ? — Vraiment, madame, je n’oserois. » Enfin, après bien des façons, elle dit en faisant la petite bouche, qu’il s’appelle M. Wist. « Je ne me mêle point de démarier les gens. » Un autre jour elle revint, et dit à madame Pilou qu’elle la viendroit divertir quelquefois avec son luth, qu’elle en jouoit passablement. « Je me passerai bien de vous et de votre luth, lui dit madame Pilou, car vous m’avez toute la mine de ne valoir rien, et ce secrétaire de l’ambassadeur est sans doute votre galant. — Il est vrai, dit l’autre, qu’il m’a aimée ; mais je vous jure que c’est le seul qui ait eu quelque chose de moi. — Ma mie, dit madame Pilou, il y a plus loin de rien à un que d’un à mille. » Et sur cela elle la pria de se retirer.

Une autre fois il vint une femme d’âge qui se faisoit appeler madame la marquise de...... Elle fit bien des compliments à madame Pilou sur sa réputation. La bonne femme lui dit brusquement : « Madame, vous êtes venue ici pour quelqu’autre chose. — Madame, dit l’autre, puisque vous voulez que je vous parle franchement, c’est que je me veux remarier. J’ai huit enfants ; mais je fais quatre filles religieuses, un fils d’église, et un autre chevalier de Malte : j’ai bien trois mille livres de rente : il est vrai que j’ai aussi quelques affaires. Comme vous connoissez bien des gens, madame, je voudrois que vous me trouvassiez quelque conseiller ou quelque président bien accommodé, car le comte celui-ci, et le marquis celui-là, me veulent bien, mais j’aime mieux demeurer à Paris. — Jésus ! madame, dit madame Pilou, vous moquez-vous de vous vouloir remarier ?