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lion de commodités : je fais et dis tout ce qu’il me plaît. » Elle est gaie, et ne craint point du tout la mort : elle danse le branle de la torche, quand elle est en liberté, et dit que la torche ne lui manque jamais à proprement parler. « Je suis, dit-elle, le guéridon de la compagnie[1]. »

Pourvu que ce ne soit pas par extravagance, elle approuve fort les mariages par amour ; « car, dit-elle, voulez-vous qu’on se marie par haine ? »

Son fils ayant ouï dire qu’on l’avoit mise dans un roman, croyoit que c’étoit une étrange chose, et s’en vint lui dire : « Jésus ! madame Pilou ! on vous a mis dans un roman. — Va, va, lui dit-elle, la comtesse de Maure y est bien[2]. » Cela l’arrêta tout court, car c’est aussi une dévote. Ce roman, c’est la Clélie de mademoiselle de Scudéry, où elle s’appelle Arricidie, et y est fort avantageusement, comme une philosophe et une personne de grande vertu. Elle l’en alla remercier, et lui dit : « Mademoiselle, d’un haillon vous en avez fait de la toile d’or. » L’autre lui voulut dire : « Madame, mon frère a trouvé que votre caractère[3], etc. — Voire, votre frère, je ne connois point

  1. Le branle étoit une ronde où les danseurs et danseuses se tenoient tous par la main. Dans le branle de la torche le danseur portoit un chandelier, une torche ou un flambeau allumé. Ce passage de Tallemant est obscur aujourd’hui que ces usages anciens sont oubliés. Le mot guéridon désigne vraisemblablement une personne qui, durant le branle, étoit placée au centre du cercle.
  2. Elle y est quelque part comme un million d’autres. (T.)
  3. Mademoiselle de Scudéry faisoit paroître ses ouvrages sous le nom de Georges de Scudéry, son frère. On savoit jusqu’à présent peu de choses sur cette bonne madame Pilou, qui a fourni à Tallemant l’un de ses plus curieux articles. Cependant Sauval nous avoit appris qu’elle