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plus ; je n’ai que faire de vous ni de personne. » Il lui fit mille soumissions, et fit tout ce dont elle le pria depuis cela.

Elle dit qu’on ne doit point tant s’affliger pour ce qui arrive à nos parents. « Une fois, disoit-elle, qu’on attrape le cousin-germain, c’est bien fait de se déprendre. J’avois je ne sais quel parent qui fut un peu pendu à Melun ; sa sœur disoit qu’il avoit été mal jugé. — A-t-il été confessé ? lui dis-je. A-t-il été enterré en terre sainte ? — Oui. — Je le tiens pour bien pendu, ma mie. »

Le curé de Saint-Paul s’avisa une fois de faire un prône contre la danse ; elle l’alla trouver et lui dit : « Mon bon ami, vous ne savez ce que vous dites. Vous n’avez jamais été au bal ; cela est plus innocent que vous ne pensez. Je suis bien plus scandalisée, moi, de voir des prêtres qui plaident toute leur vie les uns contre les autres. » Elle se confesse à lui d’une plaisante façon ; elle cause avec lui, et le lendemain elle lui dit : « Hier, je vous dis tous mes sentiments ; j’y ajoute encore cela, et j’en demande pardon à Dieu. »

« Quand je passe par les rues, disoit-elle une fois, je vois des laquais qui disent : Bon Dieu ! la laide femme ! — Je me retourne. Vois-tu, mon enfant, je suis aussi belle que j’étois à quinze ans, quoique j’en aie plus de soixante-douze. Il n’y a que moi en France qui se puisse vanter de cela. » Elle disoit qu’il n’y avoit personne au monde qui se fût si bien accommodé qu’elle de deux fort vilaines choses, de la laideur et de la vieillesse. « Cela me donne, disoit-elle, un mil-