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des maîtresses, elle marche sur le pied à Guénaut, afin qu’il l’aidât. Au lieu de cela, le médecin dit : « Madame Pilou, vos prônes m’ennuient. » Elle se retire et ne s’en mêle plus. Sur cela on fait un conte par la ville, et que M. de Tresmes lui avoit répondu : « Vous n’étiez pas aussi scrupuleuse il y a trente ans. » Elle l’apprend à quelques jours de là ; elle va voir M. de Langres, La Rivière ; il avoit dîné assez de gens avec lui : « Ah ! dit-il, madame Pilou, je défendois votre cause. » Elle se met là dans un fauteuil. « Je vous entends, lui dit-elle ; je sais le conte qu’on fait par la ville ; je ne m’étonne pas que ces bruits-là aient couru. Je me suis trouvée engagée avec des femmes qui ont bien fait parler d’elles : j’ai fait ce que j’ai pu pour les remettre dans le bon chemin ; c’est ce qui est cause qu’on a cru que j’étois de la manigance. Je vous laisse à penser si, avec la beauté que Dieu m’avoit donnée, et de la naissance dont je suis, j’eusse été bien venue à rompre avec elles à cause de cela. Leurs gens croyoient que j’étois de l’intrigue ; ils ont crié cela partout : mais Dieu a permis que j’aie vécu quatre-vingts ans, afin qu’on me fît justice. Ceux qui font ce conte-là n’oseroient le faire en ma présence. Je sais toutes les iniquités de toutes les familles de la ville et de la cour. Tel fait le gentilhomme de bonne maison que je sais bien d’où il vient ; à d’autres, je leur montrerois que leur père étoit un cocu et un banqueroutier ; je les défie tous tant qu’ils sont. » Il y en avoit là de verreux qui ne firent que rire du bout des dents. Le prince de Guémené y étoit pour cocu, et l’abbé d’Effiat pour race de fous ; son frère est mort en démence. Il y en avoit encore d’autres.