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pensé faire devenir folle, voulez-vous que la fille m’achève ? »

Elle parle aux princesses tout comme aux autres, et dit tout avec une liberté admirable. Elle a dit un million de choses de bon sens. « Quand je vois, disoit-elle, ces nouvelles mariées qui vont donnant du timon de leur carrosse contre les maisons, je me mets à crier : Qui veut du plomb ? Plomb à vendre ! plomb à vendre ! Qui veut du plomb ? Voici des gens qui en vendent. Cependant il est certain qu’il ne se fait pas la moitié des cocus qui se devroient faire, tant il y a de sots maris. »

[1658] Elle conte qu’un paysan, avec qui elle a marié une servante depuis un an, vint un jour lui demander si elle ne connoissoit point quelque prêtre de Saint-Paul pour les démarier, sa femme et lui ; qu’à la vérité elle étoit grosse, mais qu’il aime mieux prendre l’enfant. Ils avoient été mariés par un prêtre de Saint-Paul.

[1659 juin]. M. de Tresmes, duc à brevet, âgé de quatre-vingts ans, tomba malade. Son fils, le marquis de Gèvres, va trouver madame Pilou, et lui dit : « Je vous prie, parlez à mon père, il ne veut point me voir. Mademoiselle Scarron (sœur du cul-de-jatte), qu’il entretient, m’a mis mal avec lui ; mais le pis c’est qu’il ne veut rien faire de ce qu’il faut pour bien mourir. » Elle y va ; la première fois, elle fit venir les morts subites à propos, et dit qu’on étoit bien heureux d’avoir le loisir de penser à soi. Le malade dit qu’il se sentoit bien. Elle ne voulut pas pousser plus loin. La seconde fois, elle presse davantage, et voyant que cet homme disoit que les gens d’Église mêmes avoient