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homme, mit la tête à demi hors du lit, et dit : « Allez, monsieur, allez, on ne l’aura pas à meilleur marché. » Or, elle a la voix assez grosse. Cet homme s’en retourne, et dit à madame de Vaucelas qu’il seroit inutile de prétendre avoir meilleur marché de cette maison, qu’il avoit parlé à madame de Castille, et que M. son mari, enfin, avoit dit qu’on n’en rabattroit rien[1]. Cela fit d’autant plus rire que cette madame de Castille étoit un peu galante. On en parla au moins avec Almeras, homme riche, et M. de Bassompierre écrivoit de Madrid que le duc d’Almeras faisoit soulever Castille la vieille[2].

J’ai ouï dire à Ruvigny que mesdames de Rohan et les autres galantes de la Place[3] ne craignoient rien tant que madame Pilou, bien loin qu’elle les servît dans leurs amourettes. Je sais de bonne part que toute sa vie elle a prêché ses amies qui ne se gouvernoient pas bien. « Enfin, disoit-elle, ne pouvant les réduire, je leur disois : Au moins n’écrivez point. — Voire, me répondoient-elles, ne point écrire c’est faire l’amour en chambrières. » Je sais bien qu’une fois, comme on lui disoit : « Que ne dites-vous à une telle qu’elle se perd de réputation ? — La mère, répondit-elle, m’a

  1. Il étoit aisé de s’y tromper, car elle est noire et barbue. Il y a un vaudeville qui dit :

    Dame Pilou, pour paroître moins d’âge,
    A fait raser le poil de son … de son visage. (T.)

  2. Il y a quelque duc d’un nom approchant en Espagne. (T.)
  3. La Place par excellence étoit alors la Place-Royale, aujourd’hui si dédaignée.