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mais il n’y en a peut-être jamais eu une de meilleur sens, et qui dise mieux les choses.

Cette madame de La Fosse, pour reprendre le fil, n’étoit pas la plus grande prude du royaume. Madame Pilou, par son moyen, eut bientôt un grand nombre de connoissances, mais la plupart de la ville. Insensiblement elle en fit aussi de la cour, et enfin elle parvint à être bien venue partout, et chez la Reine-mère.

Elle étoit fort embarrassée d’un certain brave, nommé Montenac, qui vouloit enlever madame de La Fosse. Un jour ayant trouvé feu M. de Candale : « Monsieur, lui dit-elle, vous menez tous les ans tant de gens à l’armée, ne sauriez-vous nous défaire de Montenac ? Tous les ans vous me faites tuer quelques-uns de mes amis, et celui-là revient toujours. — Il faut, répondit-il, que je me défasse de deux ou trois hommes qui m’importunent, et après je vous déferai de celui-là, car il est raisonnable que mes importuns passent les premiers. »

Elle a fait trois classes de tout le monde : ses inférieurs, à qui elle fait tout le bien qu’elle peut ; ses égaux, avec lesquels elle est toute prête de se réconcilier quand ils voudront, et les grands seigneurs, pour qui elle dit qu’on ne sauroit être trop fier en un lieu comme Paris. Elle ne se mêle point de donner des gens à personne, et ne veut point souffrir que des suivants ou des suivantes lui viennent rompre la tête. Elle dit qu’il y a quelquefois de sottes gens qui rient dès qu’elle ouvre la bouche, comme les badauds qui rient dès que Jodelet paroît.

La femme d’un procureur, laide comme un diable,