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MADAME PILOU[1].


Madame Pilou, étant nouvelle mariée, se trouva logée par hasard vis-à-vis de mesdemoiselles Mayerne-Turquet, sœurs de ce Mayerne[2] qui a été premier médecin du roi d’Angleterre, où il a fait une assez grande fortune : c’étoit un peu après la réduction de Paris. Elle fit amitié avec ces filles, qui étoient des personnes raisonnables, et qui, comme huguenotes, en fuyant la persécution, avoient vu assez de pays[3]. Cette connoissance lui servit, et la tira en quelque sorte du calinage[4] de sa famille, car son père n’étoit qu’un procureur. Cela lui servit à connoître une madame de La Fosse, leur parente, riche veuve, qui avoit été galante, et qui, en mourant, lui laissa du bien. Elle épousa un procureur nommé Pilou, qui ne fit pas grande fortune ; en récompense, elle n’a eu qu’un fils qui vit encore. Il n’y a peut-être jamais eu une moins belle femme qu’elle,

  1. Anne Baudesson, femme de Jean Pilou.
  2. Il étoit gentilhomme, mais si adonné à la médecine, qu’étant enfant il faisoit des anatomies de grenouilles. (T.)
  3. Une de ces filles fut mise par feu M. de Rohan auprès de madame de Rohan, qui avoit été mariée fort jeune : ainsi madame Pilou connut tout le monde à l’Arsenal. (T.)
  4. Calinage, niaiserie, enfantillage, commérage et nullité de la conversation bourgeoise de ce temps-là.