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montés sur un arbre ; je ne saurois vous en dire le nom, je vous le dirai tantôt. » Son sermon fini : « Messieurs, leur dit-il, cet arbre, c’étoit un sycomore. »

« L’Évangile, dit-il une fois, est une douce loi : Jésus-Christ nous l’a dit, il le faut croire. » Deux Jésuites entrent là-dessus. « Tenez, dit-il, voilà deux des camarades de Jésus, demandez-leur plutôt s’il n’est pas vrai. » Cela me fait souvenir d’un nommé Du Four, qui, dans les guerres des huguenots, ayant trouvé des Jésuites à cheval, leur demanda qui ils étoient : « Nous sommes, dirent-ils, de la compagnie de Jésus. — Je le connois, dit-il, brave capitaine, mais d’infanterie ; à pied, à pied ; mes Pères ; » et il leur ôta leurs chevaux.

Prêchant sur la patience de Dieu, « Dieu, dit-il, il attend long-temps avant que de frapper ; il menace, mais il ne frappe pas : c’est, dit-il, comme ce chasseur que vous voyez à cette tapisserie. Il y a peut-être cent ans qu’il présente l’épieu à ce cerf, cependant il ne le frappe pas, et il n’y a que quatre doigts entre deux. »

Il disoit que personne n’avoit jamais tant prié Dieu que saint Joseph, car le petit Jésus le servoit comme un apprenti. Il lui disoit : « Donnez-moi, je vous prie, ceci ; donnez-moi, je vous prie, cela ; apportez-moi, je vous prie, cette tarière, etc. »

« Dieu veut la paix, disoit-il du temps du cardinal de Richelieu ; oui, Dieu veut la paix, le Roi la veut, la Reine la veut, mais le diable ne la veut pas[1]. »

  1. On s’est plu à attribuer au Père André beaucoup de traits ridicules qu’il n’a jamais prononcés. Guéret met dans la bouche de ce religieux des observations qui peuvent être considérées comme l’opinion saine qu’on peut s’en former : « Tout goguenard que vous le croyez, lui fait-il dire au cardinal Du Perron, il n’a pas toujours fait rire ceux qui l’écoutoient. Il a dit des vérités qui ont renvoyé des évêques dans leurs diocèses, et qui ont fait rougir plus d’une coquette. Il a trouvé l’art de mordre en riant ; il ne s’est point asservi à cette lâche complaisance dont tout le monde est esclave, et toute sa vie il a fait profession d’une satire ingénue qui a mieux gourmandé le vice que vos apostrophes vagues que personne ne prend pour soi. Demandez aux marguilliers de Saint-Étienne (du Mont), comme il les a traités sur leur chaire de dix mille francs ; demandez aux.... (Jésuites) s’ils sont satisfaits du panégyrique de leur fondateur ; ....... on ne me reprochera jamais d’avoir fait des contes à plaisir, comme il y en a beaucoup....... J’ai suivi la pente de mon naturel qui étoit naïf, et qui me portoit à instruire le peuple par les choses les plus sensibles. Ainsi, pendant que d’autres se guindoient l’esprit pour trouver des pensées sublimes qu’on n’entendoit pas, j’abaissois le mien jusqu’aux conditions les plus serviles et aux choses les plus ravalées, d’où je tirois mes exemples et mes comparaisons. Elles ont produit leur effet, ces comparaisons, etc. » (La Guerre des auteurs anciens et modernes ; Paris, 1671, in-12, p. 154.)