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« Enfin, dit-il, ils étoient faits comme ces deux grands veaux que voilà devant ma chaire. » Tout le monde se leva pour voir deux godelureaux qui, pour eux, se gardèrent bien de se lever. Un jour, il lui prit une vision, après avoir bien harangué contre la débauche de cette pauvre pécheresse, de dire : « J’en vois là-bas une toute semblable à la Madelaine ; mais, parce qu’elle ne s’amende point, je la veux noter, et lui jeter mon mouchoir à la tête. » En disant cela, il prend son mouchoir et fait semblant de le vouloir jeter : toutes les femmes baissent la tête. « Ah ! dit-il, je croyois qu’il n’y en eût qu’une, et en voilà plus de cent. » Il remit une fois à prêcher sur ce sujet, à cause de la fête de Notre-Dame, qui étoit le lendemain, et, continuant la suite de l’Évangile : « Voilà, dit-il, la Madelaine qui entre, et moi je sors. » Et il s’en alla. Il disoit qu’il y avoit des Madelains aussi bien que des Madelaines. « Notre père saint Augustin, dit-il, a été long-temps un grand Madelain. » Puis, décrivant les parfums de la Madelaine : « Elle avoit de l’eau. De l’eau d’ange ? C’étoit de l’eau d’ange noir, de l’eau de diable, de l’eau de Satan. »

Cela me fait souvenir d’un conte qu’on fait d’un prédicateur du temps de François Ier. « La Madelaine, disoit-il, n’étoit pas une petite garce, comme celles qui se pourroient donner à vous et à moi ; c’étoit une grande garce comme madame d’Étampes[1]. » Cette madame d’Étampes lui fit défendre la chaire. Quel-

  1. Diane de Poitiers, duchesse de Valentinois, dame d’Étampes, etc.